Autant le dire tout de suite : on aime le journaliste, le style et les idées. Formé auprès de Jacques Martin et des chansonniers au Théâtre des Deux Ânes à Paris, un temps membre des Grosses Têtes d’RTL, Jean-Pierre Gauffre est un pince-en-rire, à deux doigts d’égaler parfois le maître du genre Pierre Desproges déjà chroniqué ici. Journaliste satyrique bien connu à France Info avec son Il était une mauvaise foi, émission devenue depuis 2012 Il s’est levé du mauvais pied, reconnaissable entre toutes à sa désormais célèbre formule de conclusion « Mais vous n’êtes pas obligé de me croire », ce personnage haut en couleurs de la radio s’est retiré de la capitale en 1996 pour vivre loin de la pollution et du stress dans le Sud-Ouest, terre bénie des dieux de la gastronomie et du vin. Son premier Petit dictionnaire absurde et impertinent de la vigne et du vin récompensé en 2011 par le prix Jean Carmet est suivi ici tout logiquement par ce dernier ouvrage Petit dictionnaire absurde et impertinent de la cuisine et de la gastronomie paru lui aussi aux éditions bicentenaires Féret, une noble maison bordelaise bien connue des amateurs de bordeaux.
En plus de 230 définitions, Jean-Pierrre Gauffre revisite le genre du dictionnaire de cuisine lancé en 1873 par le grand Alexandre Dumas hismself. Cette fois, pas de recettes de cuisines, mais une série de bons mots qui allègent un peu la raideur et l’esthétisme glacé et consensuel de certains ouvrages de cuisine d’aujourd’hui. Allez ! On ne résiste pas à ces quelques pépites, morceaux de choix garantis, le cœur au ventre… en se tenant souvent les côtes, comme cette définition de la moule (… « à Gauffre », cela va sans dire) : « Joyeux mollusque, certes peu expressif en soi, mais qui aime la compagnie des frites et de la bière (…) ».
Il y a les définitions que l’on pourrait appeler « elliptiques-poétiques », du genre :
Caviar
« Œufs de lump du riche (…) ».
Menu
« Frustration permanente du gastronome (…) ».
Panais
« Cousin pâlichon de la carotte, faisant partie de ce que l’on appelle les légumes oubliés. On se demande d’ailleurs pourquoi on s’en est souvenu un jour ».
Rince-doigt
« Baignoire de table, vraiment trop petite pour s’y baigner les pieds ».
Saucisson
« Petit bâton sur lequel s’appuie le plus simple des bonheurs (…) » (jolie celle-là!).
… et les plus saignantes qui, comme qui dirait, n’y vont pas avec le dos de la cuiller, comme :
Bistrot
« Après le Collège de France et la Sorbonne, lieu où l’on rencontre le plus de philosophes au mètre carré, détachés de la vie autant qu’ils sont accrochés au comptoir (…) »
Ducasse (Alain)
« Star de la gastronomie mondiale, qui, aujourd’hui, cuisine surtout l’oseille ».
Étoile
« Astre qui fait rêver les chefs, mais qui, dès qu’ils l’ont décrochée, les oblige à rester les pieds sur terre ».
Hypermarché
« Vaste hangar, assez moche, situé à proximité d’un échangeur autoroutier ou sous une ligne à haute tension, où l’on s’engueule en famille le samedi après-midi ».
Cela ne mange pas de pain, certains papas seront ravis d’avoir cela à se mettre sous la dent le 21 juin prochain, c’est sûr.
Jean-Pierre Gauffre, Petit dictionnaire absurde et impertinent de la cuisine et de la gastronomie, éditions Féret, parution décembre 2014, 206 pages.
Prix : 9,90 €