Cuisiniers japonais, cuisine française : le livre !

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Que l’on se rassure tout de suite ! S’il assume pleinement sa nippophilie, Le coeur au ventre ne s’est pas subitement transformé en un site spécialiste du Japon comme il en fleurit un peu partout sur la blogosphère actuelle (je pense notamment à l’excellent site de mon ami Cecj Jipangue, CECJ2, condensé de ce qui se fait de mieux dans le genre). Non. Ce qui m’intéresse par contre au plus haut point, c’est bien la rencontre des deux cultures françaises et japonaises, une vieille tradition qui remonte au moins aux débuts de l’ère Meiji en 1868 au moment où le Japon s’ouvre officiellement à l’Occident. Il y a 150 ans, cette ouverture économique et culturelle a déjà eu des répercussions importantes chez nous sur l’art avec la mode du japonisme défendu par Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec, Rivière et bien d’autres… Comme quoi, rien de bien nouveau sous le Soleil… levant !

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Shinichi Sato au Passage 53 / Photo : Philippe Vaurès Santamaria.

Aujourd’hui en France, c’est en cuisine que l’influence nipponne semble la plus forte. Si la France a marqué l’esprit des chefs japonais depuis les années 1960 (lire mon article à ce sujet ici) , l’inverse est également vrai comme le reconnaissent facilement encore maintenant les hérauts (héros ?) survivants de la « Nouvelle cuisine » des années 1980 . Retour de bâton ou phénomène boomerang bien prévisible, aujourd’hui, c’est toute une nouvelle génération de jeunes chefs japonais qui débarque, amoureuse de nos beaux produits et de nos coutumes gastronomiques. Arrivés seuls pour la plupart à la fin des années 1990, ou au tout début des années 2000, marqués tout jeune par les émissions culinaires télévisées de leur pays, ces Japonais peu bavards et pugnaces en parfois bravé mille difficultés avant d’arriver à ce qu’ils sont aujourd’hui : de vrais chefs reconnus en tant que tels, revendiquant d’un seul bloc leur savoir-faire culinaire bleu-blanc-rouge assumé (lire également à ce sujet le tout frais témoignage d’Hideki Nishi). Notons enfin au passage, sans se flatter, que Le cœur au ventre s’intéresse à ce sujet depuis au moins son premier article sur le sujet en septembre 2013 (le restaurant malouin de Naoko Kuryama Tanpopo) en créant une entrée spéciale Cuisiniers japonais

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Kei Kobayashi / Photo : Philippe Vaurès Santamaria.

Seuls le critique François Simon et l’essayiste et écrivaine Ryoko Sekiguchi (ayant notamment signé l’ouvrage déjà recommandé ici L’astringent paru chez Argol en 2012) pouvaient rebondir dignement sur un sujet d’actualité aussi épineux et pointu. « Chefs japonais / Cuisine française » propose une lecture de ces échanges culinaro-culturels complexes au travers de 66 recettes puisées auprès de 12 cuisiniers japonais en vue et du moment, dont entre autres Kei Kobayashi (Kei), Katsuaki Okiyama (Breiz Café), Takayuki Honjo (Es), Eiji Doihara (Le Sot l’y Laisse) et les talentueux Shinichi Sata (Passage 53), Takao Takano (Takao à Lyon), un élève de Nicolas Le Bec et l’ancien chef particulier du couturier Kenzo, j’ai nommé Toyomitsu Nakayama (Toyo).

Hormis le rappel succinct de quelques figures emblématiques et pionnières du mouvement – dont la personnalité et le rôle central joué dès 1960 par Shizuo Tsuji (1933-1993), le fondateur d’écoles hôtelières à son nom aussi bien en France qu’au Japon, on regrettera peut-être un peu le manque d’analyse historique voire aussi économique du phénomène. Il faut sans doute aussi savoir que certains de ces chefs ont parfois fui la grave crise économique de leur pays, culminant dans les années 1990, en cherchant le succès en France… Mais après tout, un livre de recettes doit-il parler de tout ? Saluons donc ici un superbe ouvrage qui devrait en réjouir plus d’un le matin de Noël…


 François Simon, Ryoko Sekiguchi, Chefs japonais / cuisine française, éditions du Chêne, paru le 29 octobre 2014, 208 p.

Prix : 35 €

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