Hareng, une histoire d’amour : voilà un petit livre à croquer bien palpitant, oserais-je dire « frétillant », ouvrage de 10 simples recettes, mais surtout publication richement illustrée, sorte d’autobiographie nostalgique de deux amoureux de ce poisson emblématique, « roi du carême », péché de la mer Baltique à l’océan Atlantique en passant part la Manche et la mer du Nord : le seigneur le hareng. C’est lui qui fit au Moyen Âge la fortune du commerce hanséatique, mais aussi des ports du Havre, de Fécamp, Dieppe, Boulogne ou de Dunkerque, sans oublier du côté hollandais, Amsterdam.
Un peu délaissé aujourd’hui sur nos tables françaises, mais toujours objet d’adulation dans les pays scandinaves et britanniques, sans parler de l’Allemagne, où on le déguste dès le petit-déjeuner, le hareng fait un peu partie de notre mythologie culinaire européenne, tant son histoire est ancienne et sa quête fabuleuse. Un produit noble donc, qui a malheureusement perdu de sa superbe au siècle dernier (d’où le titre de cet article, le « hareng saur » était l’autre nom argotique du proxénète, quant aux crevette…). Depuis qu’il a refait récemment surface dans la baie de San Francisco, il paraît que certains chefs branchés de la Côte ouest l’ont remis à la carte… Une idée tendance du Cœur au ventre pour nos chefs tricolores ? Allez : j’« harangue » le chaland, comme on dit.

La ville de Volendam, comme d’autres villes hollandaises, organise chaque année au mois de juin une vraie fête autour du hareng nouveau, baptisée » Vaggetsjesdag » (Le jour des petits drapeaux). Il est d’usage de manger le hareng par la tête et d’une traite, ce qui n’est pas sans rappeler les calçoltadas catalanes avec les oignons nouveaux… Photo : © Pointed Leaf Press
« Hareng dans le pays, le docteur peut rester chez lui »
Essentiel pour la santé étant très riche en vitamines et oméga-3 – les Flamands ne disaient-ils pas autrefois « Hareng dans le pays, le docteur peut rester chez lui » ? -, le hareng encore abondant se décline à toutes les sauces, même si aujourd’hui on le préfère, côté français, à l’huile ou au vinaigre (rollmops). Il n’en a pas toujours été le cas. Il n’y a pas si longtemps, sans congélation ni conservateurs, c’était salé et conservé dans des caques de bois (hareng blanc) et « saur » (hareng jaune), c’est-à-dire salé et légèrement fumé, qu’il était le plus apprécié des gourmets.
À chacun son hareng
Les déclinaisons salées ou fumées et les dénominations pour ces préparations sont innombrables, surtout dans l’Europe du nord : du hareng saur fumé et salé au « gendarme », « kipper » (légèrement fumé et très prisé des Anglais) et « rollmops », hareng mis à mariner dans du vinaigre et des aromates.Un peu perdu, voire franchement incapable de trouver sur le web ou ailleurs une liste exhaustive des différentes appellations actuelles des harengs salés ou fumés en Europe (à entreprendre donc… Une thèse ?), j’ai décidé de regrouper ici les différentes appellations du hareng selon les indications du livre. Il va de soi que cette liste n’est pas exhaustive tant le sujet est vaste.
Pays |
Nom |
Composition |
Allemagne |
Bismarck herring |
Appellation du XIXe siècle pour un « Schmaltz herring » mis dans du vinaigre à la manière des rollmops. |
Matjes |
Hareng doux en filet. |
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Rollmops |
Hareng « Schmaltz herring » mis dans du vinaigre d’alcool, de cidre ou de vin blanc avec des rondelles d’oignons et de cornichons et traditionnellement tenus par une pique en bois. |
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Schmaltz herring (« hareng gras de la baltique ») |
Hareng mis en saumure. |
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Belgique |
Haring |
Hareng saur. |
France |
Bouffi
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Hareng saur « plein » peu salé. |
Bouvard |
Hareng « plein » empli de laitance. |
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Craquelot |
Hareng saur « plein » peu salé. |
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Gendarme |
Autre nom du hareng saur salé pendant 9 jours au minimum. |
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Hareng franc-Saure |
Très salé, fumé de 12 à 18 heures et très sec ! |
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Pec |
Hareng saur peu salé. |
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Grande-Bretagne |
Bloater |
Équivalent anglais du « bouffi » français. |
Buckling |
Salé pendant quelques heures à chaud. |
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Kipper (hareng rouge) |
Salé et légèrement fumé à froid, et ouvert sur le dos. |
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Kipper (autre définition) |
Hareng salé, fumé et aplati. |
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Pays-Bas |
Maatje |
Saumure légère pour les harengs « nouveaux » pêchés entre mi-mai et juillet. Ils sont traditionnellement dégustés « la tête la première » (voir photo ci-dessus). |
Suède |
Surströmming |
Hareng de la Baltique, salé et mis en fermentation en boîte de conserve pendant plusieurs mois. Dégustation délicate. |
Qui connaît les terrines à harengs ?
Décidément bien encyclopédique, reconnaissons que Hareng, une histoire d’amour ne se contente pas de dresser le portrait-robot d’un des poissons les plus célèbres d’Europe, d’en donner quelques recettes, mais aborde aussi les arts de la table au travers les bien mal connues « terrines à harengs » dites aussi « boîtes à harengs », céramiques aux formes simples et épurées, assez typiques de l’esthétique des pays réformés, et parfois très élégamment décorées sur le couvercle d’un hareng coloré en barbotine. Daniel Rozensztroch, l’un des coauteurs, présente ainsi sur 44 pages sa collection personnelle commencée à Cracovie il y a plus de vingt ans… Très populaire au siècle dernier en Allemagne, Autriche, Pologne et au Luxembourg, ces terrines étaient même fabriquées en miniature pour les maisons de poupées des petites filles sages !
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Deux auteurs
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Un livre
Daniel Rozensztroch et Cathie Fidler, Hareng, une histoire d’amour, éditions Pointed Leaf Press, parution décembre 2014, 192 pages.
Prix : 35 €