Elevé à la baguette ! : chinoiseries choisies du quai Branly

Porcelaine figurant l’Immortel Zhong Kui buvant – Dynastie Qing (1662-1722)

Difficile de résumer 3000 ans de cuisine et de gastronomie chinoise en une seule exposition, 150 objets provenant majoritairement du musée national de Chine à Pékin, et… en un seul post. L’exposition du quai Branly qui se tient jusqu’au 30 septembre à Paris tente néanmoins de relever le défi, ce que nous ne saurions faire ici… Avec son titre allécheur « Les séductions du palais » et son sous-titre évocateur « cuisiner et manger en Chine », les commissaires d’exposition ont clairement voulu convoquer les foules autour d’un thème fédérateur, mais pour celui qui ne connaît rien à l’archéologie chinoise, on ne peut pas dire que l’abord soit facile !

Brique estampée représentant une femme préparant le thé – Dynastie Song (960-1279)
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Couramment comparée avec la cuisine japonaise jugée plus raffinée en France, les riches saveurs exotiques thaï, la trop galvaudée et pourtant si goûteuse cuisine vietnamienne, la cuisine chinoise souffre en réalité chez nous d’un complexe d’infériorité né de la vision étroite qu’ont les Français du « pays du milieu ». La Chine reflète en effet souvent l’image d’un pays aux mœurs incompréhensibles, un peu comme apparaissaient à l’époque les us et coutumes des citoyens de la Sublime Porte aux croisés occidentaux, sans parler de la piètre réputation gastronomique des restaurants « sino-viêtnamien-thaï » disséminés aux quatre coins de l’hexagone… On pourrait enfin se demander comment on peut encore parler d’une « cuisine chinoise », alors que le pays fait la bagatelle de près de quinze fois la superficie française ? Autant comparer le cassoulet du Sud-Ouest avec le couscous maghrébin ou le goulash hongrois…

Un des moments forts de l’exposition : quelques spécialités culinaires à base de froment, moulées et cuites, datant de la dynastie Tang (618-907) extraordinairement conservées !

 

Rappelons ici qu’il nous a fallu attendre en France le XVIe siècle pour savoir manier la fourchette alors que les Chinois connaissaient à cette date les baguettes depuis environ 3 000 ans (voir photo ci-dessous) ? Sans tomber dans l’admiration candide et un peu facile d’un peuple si « étrange », inventeur (dans le désordre) de la poudre à canon, de l’imprimerie, du papier et de la boussole, il semblerait néanmoins qu’il faille réviser un peu nos connaissances, ce qui serait bien le prétexte pour faire une petite visite à cette exposition des bords de Seine !

Baguettes en argent – Dynastie Yuan (1271-1368)

Une cuisine de caractère(s)

Preuve de l’immense importance de la nourriture dans l’Empire du Milieu, le verbe « avoir » ( en chinois), est un caractère qui réunit les clés de la main et de la viande. Cela voudrait ainsi dire que le seul fait de posséder de la viande équivaudrait à avoir le reste… Autre exemple, le mot « maison » ou « famille » retranscrit par le caractère figure en réalité un cochon sous un toit… Là encore, on pourrait traduire que le simple fait de posséder un cochon à la maison (à la campagne s’entend) suffirait à fonder une famille et à la mettre à l’abri du besoin… On serait ainsi tenté de multiplier à l’envie les traces de la nourriture dans les caractères chinois, sans parler du riz cuit () qui à lui seul est devenu l’équivalent du terme  « manger » ()…

Offrandes mingqi en céramique vernissée – Dynastie Ming (1368-1644)

Parfums et cuissons

Un plat chinois se compose à la manière d’un parfum, rarement d’une seule note. Les cuissons y sont un art, par sautages rapides ou mijotages, tout comme la découpe des aliments (on en compte près de 200 différentes !) des viandes, poissons et légumes, qui, en plus d’être facilement préhensibles aux baguettes permettent une cuisson rapide, une parfaite pénétration des assaisonnements, des saveurs, et des économies d’énergie non négligeables

 

Parmi les grandes prouesses de la cuisine chinoise, la cuisson à la vapeur est un must… Dès le  IIIe siècle avant notre ère, on utilisait le récipient fu  pour faire bouillir l’eau en faisant cuire les aliments dans le récipients supérieur zeng  comme dans l’exemple ci-dessus !

Grill en bronze pour côtelettes ou brochettes – Dynastie des Han occidentaux (206 av. J.-C. – 9 apr. J.-C.)

Au fil des objets de choix exposés jusqu’à la fin du mois de septembre au quai Branly, outre les très imposants bronzes archaïques dont un curieux grill datant de deux siècles avant notre ère (voir photo ci-dessus), citons une magnifique collection de porcelaines et de céramiques en particulier de superbes grès à couverte vert céladon ou des bols finement décorés de fleurs de la dynastie Qing (1662-1722) tout droit sortis des ateliers de la Cité interdite à Pékin (voir ci-dessous) ! Malgré la pauvreté des cartels et panneaux explicatifs sur le lieu d’exposition (merci les commissaires !), voici une invitation au voyage à moindre frais, au cœur de Paris, à ne rater sous aucun prétexte…

Bol wan en porcelaine – Dynastie Qing, règne et marque de Kangxi (1662-1722)

Musée du quai Branly

Les séductions du palais
exposition jusqu’au 30 septembre 2012
37, quai Branly
75007 Paris

Tél. : (1) 56 61 70 00

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