Alliance : l’envol de Toshitaka Omiya

toshitaka-omiya-alliance1Ouvert il y a un peu moins d’un an, le 23 novembre 2015, Alliance est une adresse bien discrète, mais point secrète. Niché dans la tranquille rue de Poissy, à deux pas du boulevard Saint-Germain et de l’Institut du Monde Arabe, le premier restaurant de Toshitaka Omiya mérite un large détour comme aurait dit M. Michelin. À 37 ans, Toshitaka aidé en salle par son fidèle et efficace compagnon de route Shawn Joyeux est en train de réussir son pari.

« Je suis venu en France sans doute parce j’ai grandi à Osaka, ville assez ouverte au Japon et où la culture du bien-vivre et du bien-manger est assez proche de celle d’ici ».

De l’Arpège à l’Agapé

Parti du Japon à 22 ans, Toshitaka débarque en France en 2001 sans parler un seul mot de français. Le départ est rude, mais Toshitaka apprécie l’hédonisme et la convivialité « à la française ». Ayant déjà trois années d’expérience comme cuisinier au Japon, Toshitaka fait ses premières gammes au piano de l’Arpège comme chef de partie chargé du poisson, un poste taillé sur mesure pour lui. Son ami David Toutain alors sous-chef dans le prestigieux restaurant de la rue de Varenne l’aide à rester auprès d’Alain Passard, puis lui propose de venir au Georges V. « Je connaissais bien le style d’Alain Passard, mais je voulais approfondir mes connaissances de la cuisine française classique. Cela a été une grande opportunité pour moi de travailler auprès du chef Philippe Legendre ». Il est directement nommé au « poisson chaud », un poste assez convoité et la bataille est rude pour se faire reconnaître. Il y restera trois ans et demi en cumulant les postes et surtout y apprend le soin du détail propre au monde et à la cuisine des palaces. En 2008, changement de chef et de décor : c’est Éric Briffard qui devient le nouveau patron du Cinq. Cette fois, auprès de ce grand chef, c’est « l’expérience de l’élève de Joël Robuchon revisitée avec des techniques d’aujourd’hui – dont la cuisson sous vide – et un zeste d’exotisme japonais » qui nourrit Toshitaka. En 2012, David Toutain, le grand ami, le débauche encore pour rejoindre l’Agapé, restaurant étoilé un macaron. « La pression était grande, car il ne fallait pas perdre le précieux sésame » se souvient Toshitaka. Il décide de partir en 2014 pour tenter la grande aventure : cette fois, ce sera son propre restaurant (avec Shawn) sinon rien. Ce sera Alliance, symbole de l’union du chef et du directeur de salle, amis et collaborateurs depuis l’Agapé. Il est loin le temps des « pingouins » de salle tant dénigrés par les chefs…

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Alliance, côté salle et côté cuisine

« Nous avons cherché une adresse centrale entre le 1er et le 10e arrondissement de Paris. Il nous fallait Shawn et moi réaliser notre rêve avec le budget imparti. Ici, près de la Seine et de Notre-Dame, c’est vraiment Paris ! ». Côté décoration, Toshitaka fait appel à l’architecte d’intérieur Caroline Tissier, une ancienne de l’école Boulle qui a déjà réalisé des décors pour David Toutain, mais aussi Akrame Benallal ou Hubert Duchenne dans son nouveau restaurant H. L’atmosphère dépouillée, le confort aimable des fauteuils, le blanc des murs et le nappage impeccable invitent à la méditation zen. Les superbes céramiques et grès signées par Emma Nicaud sont enfin un écrin à la gourmandise. Tiroirs à couverts insonorisés, portes coulissantes des toilettes et machine à café muette face à la grande et lumineuse baie donnant sur la rue complètent une tranquillité recherchée.

« L’Alliance est un vrai challenge et surtout une affaire d’équipe. Beaucoup me parlent de l’étoile à venir, mais cela ne change rien à mon style. Ma cuisine s’est simplifiée et épurée par rapport à l’Agapé. Elle est plus respectueuse des produits, avec peut-être moins d’éléments, mais demande certainement encore plus de travail ».

toshitaka-omiya-alliance-3Cet été, au menu du déjeuner à 34 €, passé à 39 € depuis cette rentrée – prix plus que respectable !, pas moins de 12 propositions salées et sucrées défileront sur la table dans un ballet ininterrompu… Oui, Toshitaka Omiya est un incroyable travailleur inspiré. Il a considérablement mûri depuis notre passage à l’Agapé il y a deux ans, preuve d’un épanouissement certain, pour ne pas dire… d’un envol ! Aimant les circuits courts et sachant s’entourer, Toshitaka a enfin eu l’idée de privilégier ses voisins artisans de bouche. Le Meilleur Ouvrier de France fromager Laurent Dubois installé du côté de la place Maubert lui fournit ainsi le fromage, le boulanger du coin fabrique des pains spécialement conçus pour lui…

toshitaka-omiya-alliance-11En amuse-bouches, le concert débute en cette veille du 14 juillet par une fine brioche à la fleur de sel au fromage frais et algue dulse, une tuile de maïs, fromage frais et feuille d’huître sur un lit de maïs. Deux originales fleurs de courgette frites plantées à la verticale dans des graines de tournesol suivent…

alliancelcav2Les festivités peuvent commencer : très rafraîchissant velouté d’asperges blanches champenoises / œufs de truite des Pyrénées accompagnés d’une focaccia « maison ». Les têtes d’asperges coupées en mirepoix mêlée à de la salicorne sous les œufs de truite apportent du croquant à l’ensemble. Un convivial pain au levain en boule (photo ci-dessus), à partager, est alors apporté sur la table comme un gâteau offert, accompagné d’un beurre à l’huile d’olive à la structure très aérée.

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Le chef entame son deuxième opus : en premier plat, voici le cabillaud / courgettes en émulsion à la fleur d’oranger, un souvenir personnel de voyage au Maroc et réminiscence de l’Agapé, accords parfaits qui sonnent dans une superbe assiette de grès d’Emma Nicaud. Au deuxième mouvement, c’est le cochon / haricots verts / amandes fraîches rehaussés d’un condiment à la roquette qui émoustille. Surprise encore : deux légères chips de couenne de cochon grillé fermier de la Sarthe débarquent à l’improviste.

toshitaka-omiya-alliance-12Aimant ses classiques, Toshitaka revisite le « trou normand » et calme agréablement le palais par deux pastilles rafraîchissantes de sorbet à la fleur de sureau et citron à sucer avec les doigts… La symphonie de l’Alliance s’achève avec brio par une légère mousse vanille / olives noires, suivie d’une combinaison de fruits rouges / glace vanille. Avec le café, la maison offre enfin, dans un dernier accord de jolies mignardises : financiers, sablés à peine sortis du four et billes de crème chocolat. Un vrai poème et de la vraie poésie de cuisine qui iront loin, très loin même.

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Alliance

5, rue de Poissy

75005 Paris Tél. : (33) 1 75 51 57 54

Ouvert du lundi au vendredi. Menu déjeuner à 39 € (sauf jours fériés). Formules « Tentation » à 75 € et dégustation « Alliance » à 95 €. Réservation conseillée.

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