Le sujet aurait pu paraître presque anodin, mais depuis quelques années, qu’elles soient sauvages ou cultivées, les herbes ont littéralement envahi nos assiettes… pour notre plus grand plaisir. Le phénomène semble prendre son origine dans la raw food, un concept américain né en 2009 et qui consiste à consommer des aliments crus et naturels. En France, le nouvel étoilé 2018 3* macarons Michelin, Marc Veyrat a été l’un des pionniers en la matière, fidèlement secondé par l’ethnobotaniste François Couplan. Ils cosignent en 1997 un ouvrage précurseur qui fera date : L’herbier gourmand. Depuis 1983, François Couplan a publié pas moins de 85 ouvrages sur la « cuisine sauvage », les plantes sauvages comestibles ou la nature. Depuis, le thème a été repris par de nombreux auteurs, dont Michel Bras et le dernier en date, le chef étoilé et inspiré de Saint-Bonnet-le- Froid Régis Marcon
« Les herbes, c’est la fraîcheur de la cuisine dans le respect de la nature et des saisons. Les herbes, c’est la joie »
Régis Marcon
Un herbier gourmand
« Chaque année, je découvre deux ou trois nouvelles herbes que je ne connaissais pas auparavant. Cela m’émerveille à chaque fois… » témoigne Régis Marcon, l’éternel cueilleur qui aime faire connaître et partager ces simples qui ont fait la renommée de la cuisine française, créant des associations à couper le souffle. Herbes fraîches, ciselées, sèches, en décoction, en infusion ou en macération, en condiment, transformées en subtiles et puissantes liqueurs, « herbes à farcir » comme l’incroyable feuille de consoude que Régis Marcon utilise pour des raviolis, mais aussi comme ingrédient privilégié des farces ou en condiments… : les procédés de mise en valeur des herbes ne manquent pas ! Parmi les 130 recettes proposées dans son dernier ouvrage intitulé sobrement Herbes à base de 100 herbes sauvages et potagères, un des best of du livre est le Thé de champignons à la feuille de tanaisie, qui réunit en une seule recette les deux passions du chef, les champignons et les herbes. C’est un consommé concentré de saveurs forestières unique, relevé du parfum camphré de cette herbe amère proche de l’absinthe. Régis Marcon l’utilise aussi dans des desserts et parfume agréablement ses crèmes anglaises, ses glaces ou ses préparations chocolatées. Dans cette Bible des plantes herbacées, on apprend que l’aspérule odorante ne laisse s’épanouir son parfum de coumarine mêlant miel et vanille que… sèche. La magie des plantes n’a ici pas de limites et permet de s’en inspirer pour créer des plats originaux et savoureux. Mélisse, berce et angélique qu’il marie confites dans un riz au lait gourmand, orties en cake, verveine qu’il incorpore avec bonheur dans un beurre blanc, autant d’exemples de l’inventivité débridée d’un des plus grands cuisiniers français. Huîtres au jus de pomme et cressonnette sauvage, bulots à la fleur de sureau, carpaccio de daurade aux pousses d’épicéa, galette d’escargots de Grazac à l’alliaire, cressonnette d’oignons doux au haddock fumé, pistou de homard au basilic marseillais, couscous de légumes aux herbes citronnées, sorbet aux herbes, abricots rôtis à la lavande, pâtes de fruits verveine menthe sont autant de recettes à tester au plus vite !
Avant toutes choses…
Pour Alain Alexanian, ancien chef étoilé, traiteur et consultant culinaire lyonnais passionné de bio, du tout naturel et depuis peu du thé, l’usage des herbes sauvages demandent quelques connaissances préalables. « Les herbes sauvages ne sont pas à la portée de tous, surtout en ville ou même à la campagne où les pollutions ne manquent pas… La prudence s’impose. En premier, il est indispensable de se faire orienter par un botaniste ou un cueilleur de sa région. Il faut ensuite d’après moi faire confiance aux cueilleurs professionnels patentés, souvent diplômés en herboristerie, et ne pas hésiter à réaliser avec eux de sorties sur le terrain » Pour connaître la liste officielle des plantes comestibles et ne pas risquer de se tromper, l’Agence nationale de sécurité du médicament du produit de santé a mis en ligne un document à jour de ces plantes sur son site. Selon Alain Alexanian, « goûter les herbes sauvages fraîches permet aussi de se faire une idée de se que l’on voudra faire par la suite en cuisine. Cela donne énormément d’idées ». La traçabilité et les normes en vigueur obligent les cueilleurs à présenter un certificat de cueillette. Autre difficulté, le temps d’utilisation des herbes fraîches est très limité puisqu’il ne dépasse pas les 48 heures. Il faut donc être très organisé pour cuisiner ce type de produit. « Bien lavées, vous pouvez conserver vos herbes dans une boîte hermétique et sans eau. Elles ne devront être utilisées ou ciselées qu’au dernier moment » conseille Alain Alexanian. La meilleure solution consiste encore à les sécher au four (voir photo) ou à l’air libre. « Certaines plantes se sèchent très bien et d’autres pas. L’estragon du Mexique, contrairement aux autres types d’estragon, sèche en gardant une belle couleur verte et tous ses arômes ». Personnellement, Alain Alexanian avoue une passion toute particulière l’hiver pour le chénopode, le pissenlit – permettant de réaliser le premier miel de l’année, aux autres saisons la livèche qui peut parfumer agréablement une huile, les asperges sauvages, les bourgeons de pin – très original, le houblon sauvage, la fleur de sureau, la fleur d’immortelle, l’ortie – sans doute une des meilleures herbes d’après lui, la berce, le trèfle au goût sucré aux relents d’enfance, les feuilles de mûrier, sous oublier la pâquerette, le souci ou encore le coquelicot… Une vraie corne d’abondance que l’on a eu tendance à oublier ces dernières années !
Des livres
Herbes, Régis Marcon, éditions de La Martinière, 416 pages.
Parution : 15 septembre 2016
Prix : 45 €
L’art de bien manger bio, Alain Alexanian, éditions Utovie, 160 pages.
Parution : février 2011
Prix : 15 €