Où en est-on avec le foie gras ?

foie_gras_asp_lcavÀ  la veille des fêtes, le foie gras est en crise, c’est peu de le dire ! Selon les prévisions du Cifog (Comité interprofessionnel des Palmipèdes à fois gras), la production française de foie gras devrait chuter de 4 750 tonnes cette année par rapport aux 19 242 tonnes de 2015, soit l’équivalent de 9 millions de canards en moins sur un total de 37,18 millions en 2015. Tout logiquement, le prix augmentera cette année d’au moins 10 € le kilogramme. Jamais la filière de canard gras du Sud-Ouest n’avait traversé une telle épreuve et avec elle l’ensemble de la production française, le bassin du Sud-Ouest totalisant près des trois quarts de la production nationale. Pour Jean-Pierre G. , conservateur historique de foie gras IGP Landes dans ce même département, interrogé au mois de juin dernier, « Depuis 1987, je n’ai jamais connu cela. Rien n’a été mis à notre disposition pour sauver la filière. En octobre, il y aura de graves problèmes de trésorerie. Je ne vois pas comment on financera notre manque à gagner. Pendant ce temps-là, les grands de la distribution auront eu le temps de vider leurs stocks congelés… La grippe aviaire n’est pas un phénomène nouveau. Dans toute cette affaire, il y a une certaine opacité incompréhensible ».

Deux mois sans un seul canard dans le Sud-Ouest

Il y a un an, le 24 novembre 2015, un premier foyer d’influenza aviaire, dite aussi « grippe aviaire », est découvert dans un élevage de poules en Dordogne. Le ministère de l’Agriculture a aussitôt mis en place un plan national d’intervention sanitaire d’urgence qui a relevé d’autres cas d’infections. Entre le 24 novembre 2015 et le 19 avril 2016, date du dernier foyer infecté identifié dans un élevage de pintades dans le Tarn, ce n’est pas moins de 77 foyers qui ont ainsi été repérés dans 9 départements du Sud-Ouest de la France (données du Ministère de l’Agriculture) touchant principalement les Landes (31 foyers), la Dordogne (15 foyers) et les Pyrénées-Atlantiques (13 foyers). À la fin du mois de décembre 2015 a été prise une lourde décision : afin d’éradiquer le virus, l’État a choisi de dépeupler l’intégralité des zones d’élevage sur 17 départements, ce qui constitue une première dans l’histoire de la filière avicole et de production de foie et de canards gras… Le 18 janvier de cette année, les canetons n’ont plus été élevés dans les exploitations et le 18 avril, il n’y avait plus un seul canard élevé en plein air. Le 2 mai dernier, les derniers canards étaient abattus, mettant fin temporairement à la livraison de fois gras frais. Ce n’est que quinze jours plus tard, le 16 mai que les canetons ont réinvestis en canetonnières certains élevages.

Et cependant…

Depuis le 6 juin, les canards ont repris le chemin des prés et de l’élevage en plein air, permettant la livraison de foie gras de canard frais depuis la mi-août. En France, seuls les départements du Grand Ouest dont la Vendée, les Pays-de-la-Loire et le Poitou-Charentes, sans oublier l’Alsace, ont poursuivi sans problème leur activité. En aval, pour les professionnels des métiers de bouche, la pénurie est certaine. La plupart des professionnels ont choisi de ne plus travailler le produit jusqu’à ce que les approvisionnements reviennent. D’autres avaient anticipé et surgelé leurs matières premières pour pouvoir continuer à travailler. Quoi qu’il en soit, l’indice des prix risque à terme d’augmenter, ce qui est déjà le cas pour les foies gras en provenance du Grand Ouest, « à plus de 6 euros de leurs prix habituels, soit 35 euros le kilogramme » selon certains professionnels interrogés dans l’ouest de la France. Pour Lionel Reboul, Directeur général Business Unit, Jean Stalaven Proximité (groupe Euralis), « la crise aviaire et ses conséquences feront vraisemblablement monter les prix du foie gras entre 10 et 20 % de leur prix habituels. Je pense que ces prix-là se maintiendront à un haut niveau dans les années à venir, des investissements lourds étant nécessaires dans la filière. Face à la pénurie, le comportement du marché est encore aujourd’hui imprévisible, mais nous restons fermement optimistes. Je ne pense pas que le prix soit un frein à la consommation ».

Un avenir incertain

Selon Lionel Reboul, « La mise en place d’un vide sanitaire a ébranlé le marché de production du foie gras dans le quart sud-ouest de la France. Rien que pour Euralis, 300 de nos producteurs ont d’ores et déjà été directement touchés. On estime aujourd’hui sur un an à 30 % la baisse de la production. Cette crise est d’autant plus forte qu’elle a également changé les méthodes d’élevage ». Suite à cela, le ministère de l’Agriculture a en effet revu les conditions d’élevage des volailles par un arrêtés en date du mois de février. Les éleveurs doivent depuis le 1er juillet gérer leurs volailles par « bandes uniques par unités de production ». La « conduite en bande » est une nouvelle méthode d’élevage visant à remplir en une seule fois un bâtiment d’élevage avec des animaux de même âge, de même poids et de même maturité physiologique. La nouvelle réglementation signifie que les éleveurs ont dû faire construire de nouveaux bâtiments d’exploitation s’ils souhaitaient élever plusieurs bandes de canards à la fois, ce qui fut totalement impossible pour bon nombre de petits éleveurs traditionnels. Cela annonce de sacrés changements! Après chaque bande, les éleveurs doivent également suivre un processus assez lourd de désinfection de chaque local, ainsi que du matériel. Pour Lionel Reboul, « cette nouvelle réglementation signifie que beaucoup de ces éleveurs ont dû investir pour pouvoir continuer leur activité, pénalisant encore un peu plus le secteur ». Le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) a estimé à 220 millions d’euros, le chiffre des investissements nécessaires à ces réaménagements, qui entraînent à terme, fatalement eux aussi, une diminution de la production… « La remontée de la production de foie gras au volume qu’il atteignait avant l’épizootie n’est pas prévue avant 2018 et nous ne savons pas encore quelles en seront les conséquences à moyen et à long terme » précise Lionel Reboul.

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