Ancien tri postal des TGV de la SNCF, que certains ont appelé « espace secret de la SNCF » Ground Control est aujourd’hui un lieu sans début et sans fin ouvert en février dernier situé dans un endroit improbable du 12e arrondissement parisien. L’intitulé de la page Facebook dédiée est « lieu de vie libre et curieux ». Un bien beau programme. Ici, cela me rappelle les endroits « libres » parisiens de la fin des années 1980 ouverts sous les tunnels désaffectés de la capitale. À l’époque, il n’y avait pas de vigiles à l’entrée, nous ne pensions pas aux attentats, croyons en une certaine communauté, la musique fusait monumentale des lieux désaffectés et nous y entrions en individu libre, sans aucune idée sur ce que nous y trouverions. L’âge des happenings underground est passé et avec lui l’âme des esprits libres et curieux que le lieu défend. Mais, il s’agit bien d’une affaire de génération. En arrivant très tard vers 21h30 ici ce 28 mars, jour d’inauguration, je ne connaissais pas Ground Control et j’y mettais pour la première fois les pieds. Je ne pensais rencontrer que le chef Stéphane Jégo, chef de l’Ami Jean, ardent défendeur du projet Refugee Food Festival. C’est ainsi. Je ne pensais surtout pas rencontrer Nabil Attar, chef syrien et premier cuisinier invité à intervenir à La Résidence, le restaurant dédié aux chefs réfugiés mis en place par le Refugee Food Festival. Un poème et une odyssée racontés en direct par l’intéressé.
« Dans une autre vie très récente, j’étais banquier comblé à Damas en Syrie. La cuisine, c’était juste ma passion depuis l’enfance. J’ai eu souvent peur de changer de métier, car ma situation à Damas était très établie. En 2015, lorsque j’ai tout perdu, j’ai décidé de suivre mon rêve et de le faire aussi bien que possible. Après être parti avec ma famille, mon épouse et mes deux filles de Damas, je me suis installé à Fleury-les-Aubrais au nord d’Orléans. J’ai assez vite partagé mes plats avec les voisins, étant totalement étranger ici en France. Petit à petit, j’ai réussi à communiquer avec eux. Je trouve que la cuisine est un moyen de communication extraordinaire, car elle se suffit pour partager des émotions. Nous avons rompu la glace comme réfugiés. Les convives étaient si heureux après leur dégustation que j’ai décidé enfin de devenir chef de cuisine. J’ai participé trois fois depuis juin 2017 à l’édition du Refugee food festival. J’ai aussi réalisé des ateliers culinaires dans les collèges du département du Calvados, puis à Paris en compagnie de la maire de Paris. Ils m’ont contacté pour lancer le projet du Refugee Food Festival à Paris ici à Ground Control, comme premier chef accueilli au Refuge. J’ai été très heureux de cette nouvelle qui a été pour moi comme un lancement dans une deuxième vie. Aujourd’hui, je suis en train de monter mon restaurant à Orléans « Narenj » ou « orange amère » en syrien. À Damas, il y avait autrefois dans chaque maison un oranger. Cet arbre est un symbole de Damas pour moi. Tout le monde parlera de mon restaurant car je vais le faire très bien, comme je l’ai toujours voulu le faire. La cuisine libanaise est très proche de la cuisine syrienne, mais la Syrie a peut-être subi et été marquée par plus d’influences que celle du Liban, dont la Turquie, l’Iran ou l’Inde… »
Un menu concocté à 6 mains par Nabil Attar, Mohammad Elkhaldy et Stéphane Jégo : Soupe de lentilles, crème de poivrons, croustillant de citron noir / Complicité autour de l’asperge / Salade d’aubergines du moine de Damas / Blé vert rôti, bœuf confit brûlé à la flamme, croquants du jardinier / Riz au lait Gazal el Banat, crème de pistaches.
Le chef Stéphane Jégo à l’ouvrage (L’Ami Jean)
Retrouvez l’extraordinaire et authentique cuisine colorée de Nabil Attar à Ground Control pendant 2 mois !
Restaurant éphémère La Résidence
81, rue du Charolais
75012 Paris
Du mercredi au vendredi : de 12h à 14h30 et de 18h30 à 22h30.
Le samedi : de 12h à 17h et de 18h30 à 22h30.
Le dimanche : de 12h et 17h.