L’asperge est, avec le petit pois, le mets des rois. Personne ne peut ne pas aimer les asperges, produit de saison et, avec la fraise, un des meilleurs qui soit.
Charles Ephrussi, ami de Marcel Proust, propriétaire de la Gazette des Beaux-Arts et grand amateur d’art, commande à Édouard Manet en 1880 la réalisation d’une nature morte ayant pour thème l’asperge. À 48 ans, Manet qui est déjà en fin de vie et mourra trois ans plus tard, revient vers ce genre tant apprécié en Hollande, dans une sorte de confrontation avec la matière, le vivant, le mort et le vide. Charmé par la fraîcheur du tableau qui représente une botte d’asperges sur son lit de feuilles vertes, Ephrussi paye le maître des impressionnistes 200 francs de plus que la somme annoncée de 800 francs, soit 1000 francs (l’équivalent d’environ 3600 euros de notre époque, une bonne somme pour les impressionnistes). En réaction et en homme d’esprit, Manet lui envoie une petite toile supplémentaire, portraiturant une seule et unique asperge blanche sur le bord d’une table en ajoutant ce mot : « Il en manquait une à votre botte ». Pour Manet, peu importe le sujet qui est un prétexte à peindre, surtout en ces temps de maladie. Cette fragile asperge posée de guingois sur une table de marbre blanc veiné de gris, comme dans une grisaille ancienne est intemporelle et a fait pénétrer cette toile, de format aussi restreint soit-elle (16 cm par 21 cm) , au firmament de la peinture et de la gastronomie. Provocateur malheureux malgré lui depuis son Déjeuner sur l’herbe de 1863 et son Olympia de 1865, Édouard Manet cuisine la peinture comme un poète, ne retenant ici et en fin de vie que l’essentiel dans un souffle immense de fragilité et de gourmandise mêlées.
Quelle belle histoire pleine d’humour et de générosité
Merci Odile !
A bientôt !
Olivier