La magie verte d’Uji

the-uji1En plein centre du Pays du soleil levant, la petite rivière Uji serpente tranquillement depuis le lac Biwa. Cette région qui est aussi une ville située au sud de Kyoto a été le siège de nombreuses batailles des Shoguns pour le contrôle du pays entre le XVe et le XVIe siècle. Uji a été aussi le centre de toutes les attentions politiques dès le IXe siècle de notre ère transmises par le célèbre « Dit du Genji » au XIe siècle. C’est ici que grandit l’un des thés verts les plus célèbres du pays et (peut-être) de toute la planète. Comme il se devait, ce sont bien sûr les Chinois qui ont introduit le thé au Japon. Ça, nous le savions. Nous savions aussi que ce thé vert japonais est une vraie religion, produit à plus de 95 % dans l’île. Côté français, le marché du thé vert est en plein boum et a été presque multiplié par deux, passant de 1148 tonnes à plus de 2000 entre 2001 et 2014.

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Ce que nous ne connaissions pas, c’était le goût inimitable de ce thé vert d’Uji, fabriqué selon plusieurs procédés, à la lumière ou à l’ombre, selon la saison. Un parfum incroyable et cette saveur unique qui rappelle à la fois l’algue, la mer les épinards et le bouillon de bœuf. C’est l’« umami », la 5e saveur si chère aux Japonais et qui est en train de devenir un vrai objet marketing ici en Occident, sans que ses usagers n’en comprennent trop la signification. Le thé vert d’Uji fait partie depuis 2015 du patrimoine culturel du Japon et tente actuellement de se faire inscrire au patrimoine protégé de l’Unesco…

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Le thé vert tentcha, riche en umami, est à l’origine du célèbre matcha avant qu’il ne soit broyé en poudre.

Les moines ne doivent pas dormir !

D’après l’excellent blog de Florent Weugue Sommelier en thé japonais, le thé venu de Chine en 815 de notre ère dans les baguages du moine Eichû aurait d’abord été dégusté réduit en poudre. Une tradition qui n’apparaît pas en Chine et qui perdurera beaucoup plus tard dans la cérémonie du thé sadô ou chanoyû au Japon. Mais, ce n’est qu’entre le XIIe siècle et le XVIe siècle, que le thé devient vraiment à la mode sur l’île des Shoguns. Le thé est encore réduit en poudre après avoir subi un arrêt de la fermentation par passage à la vapeur, une marque de fabrication de la méthode nippone encore en usage aujourd’hui. Le rôle des moines bouddhistes a été central dans cette diffusion du thé au Japon. Ce dernier leur permettait de prolonger leurs longues et quotidiennes méditations…

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Les thés verts d’Uji

Au Japon, la feuille de thé vert doit ressembler à l’aiguille de pin, vernissée et vert sombre. Sa saveur est celle de l’épinard ou du cresson, avec une légère acidité, presque marine.  Ce goût unique provient largement du procédé qui consiste à isoler les plants de théiers de la lumière pendant un mois entre avril et mai (voir photo ci-dessus). Cette technique empêche l’amertume de progresser dans les bourgeons des feuilles et permet de garantir une homogénéité du goût. Au début du XVIe siècle, un moine du nom de Sen no Rikyu va peaufiner l’affaire. Le tentcha est né, duquel viendra le matcha, le thé vert emblématique du Japon broyé à la meule de pierre. Deux siècles plus tard à Uji, une nouvelle technique apparaît qui consiste à rouler et à malaxer en les froissant des feuilles de thé cuites sur un foyer chaud : le sentcha. Encore cent ans plus tard au XIXe siècle, le gyokuro issu de ces techniques mixtes fait son apparition… Le thé ombré pendant 20 jours est cuit à la vapeur pour empêcher l’oxydation et roulé en séchant. Le gyokuro doit être infusé à une eau peu chaude (vers 40 °C). La qualité de ses feuilles font que même après deux ou trois infusions, elles peuvent être utilisées en cuisine pour parfumer des préparations. Le 21 novembre dernier, nous avons eu l’occasion de goûter ces thés d’exception qui font partie du patrimoine gastronomique mondial. L’effet de l’umami et des saveurs complexes est bien sûr unique. Avouons que ces thés ne seront commercialisés en France au mieux que l’année prochaine… Patience donc !

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Matcha d’Uji.

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Préparation au fouet du thé matcha d’Uji. Le mélange doit être onctueux et mousseux.

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Producteur et maître de thé, Riichi Yoshida, vice-président de l’association de la chambre de l’industrie coopérative du thé de la préfecture de Kyoto, en pleine préparation du thé gyokuro à Paris.

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