Je n’irais pas jusqu’à dire que Cédric Grolet, le chef pâtissier du Meurice, est le nouveau Antonin Carême du siècle, mais pas loin. Et, évidemment, je ne suis pas seul à le dire. Les pâtisseries et créations de ce jeune chef de 29 ans, rencontré il y a deux ans dans un des plus beaux palaces parisiens qui fête cette année ses 180 ans d’existence, m’interpellent toujours et leur magie toujours autant mystérieusement préservée.
Car justement, si nous nous éloignons d’une certaine vision classique pâtissière assez attendue dans le monde consensuel de la gastronomie de palace, c’est pour pénétrer un nouveau territoire du goût, franc, tranché, honnête, où le sucre ne masque aucune saveur. Sans détours et sans trompettes. Une pâtisserie rêvée, puissante et unique, joueuse et aussi un brin espiègle. Une vraie signature, un nouveau continent et de nouveaux horizons pour un chef-acrobate au parcours exceptionnel qui a bien voulu tout récemment nous toucher un mot de sa nouvelle collection automne-hiver « Dessert Dessin 2 ».
« Il y a deux ans, lors de ma dernière présentation à la presse, j’étais un peu éclectique. J’ai voulu depuis revenir davantage vers les bases de la pâtisserie française, autour du saint-honoré, de l’éclair ou du Paris-Brest, et les décliner à l’envie autour de la vanille, du café, du caramel et du chocolat, des produits emblématiques. J’ai souhaité pousser au maximum la puissance de ces ingrédients pour que l’on comprenne dès la première bouchée la force du produit ». Et Cédric d’enchaîner : « S’il-vous-plaît, goûtez le Paris-Brest vanille de Madagascar et de Tahiti, pour vous faire une idée ! ».
J’ai goûté… Révérence.
Assaisonner !
À l’instar d’un autre maître du genre, Philippe Conticcini qui a commencé à travailler sur la cuisine pâtissière ou la pâtisserie cuisinière à la fin des années 1980, les termes employés par Cédric Grolet sont bel et bien ceux d’un cuisinier. Ainsi, quand il ajoute une herbe aromatique à un fruit ou à un autre ingrédient, il parle d’« assaisonnement » et pas d’aromatisation ou de parfum. Le vocabulaire change… Il existe une véritable compétition entre ces deux disciplines, mais aussi une complémentarité car les domaines du salé rejoignent, par goût ou par mode, ceux du sucré. Il y a une vraie révolution latente en devenir, sans oublier que la pâtisserie française, inaugurée par Carême au début du XIXe siècle, a été une des grandes instigatrices en ce domaine.
Depuis le départ du chef Yannick Alléno en janvier 2013, Cédric Grolet s’est retrouvé un temps seul au Meurice, jusqu’à l’arrivée d’Alain Ducasse, un véritable événement pour lui.
« Cela a été une grosse remise en question, mais aussi un véritable challenge. Remettre, selon le mot d’Alain Ducasse « l’essentiel du produit « dans les pâtisseries du Meurice était un vrai défi. J’ai énormément travaillé avec le chef de cuisine Christophe Saintagne. Pendant deux ans, j’ai dû restructurer mon travail autour de ce concept, sans pour autant abandonner d’anciennes créations autour de fruits de saison mis en mousses et en marmelades et enrobés d’une coque de chocolat blanc [NDA : Les contemporaines de la nouvelle collection]. Rutilant, le citron vert est ainsi marié et assaisonné à l’estragon, le citron jaune à la menthe, la pêche avec la verveine, la pomme avec l’aneth ou la noisette avec le caramel fleur de sel… ».
Poussant jusqu’à l’obsession son art, Cédric a aussi réactualisé son Rubik’s cake (un mélange de cakes aux différents parfums formant un cube) en lui donnant encore plus de gourmandise et de texture, chocolat / caramel / cacahuète, pistache à la fleur de sel, mûre / violette, passion / coco, fraise / roquette, citron / menthe, ect…
« J’essaye de prendre une valeur et de l’assaisonner en cherchant l’équilibre. J’ai voulu prendre des produits très simples et de les sublimer et donner du peps avec ces assaisonnements ou ces compléments plus ludiques. J’ai voulu mettre ici un peu de ma jeunesse. Même chose pour les petits choux « pop » sérigraphiés avec un transfert chocolaté sur le dessus façon « Factory » d’Andy Warhol. L’idée était de présenter quatre choux avec des saveurs complètement différentes et assez osées, miel / estragon, chocolat fumé, mangue / passion, citron / menthe… ».
Au Meurice, aucun moment de perdu. L’avenir est tracé. En juin, la bûche de Noël en hommage à Dali est déjà prête (voir photo ci-dessous), la galette des rois déjà dessinée et réalisée autour de la coriandre.
« Ayant des cerises autour de moi en juin, j’ai trouvé l’assemblage très esthétique et même surréaliste en soi. Je les ai collées ensemble avec de la pâte d’amande et m’en suis inspiré pour en faire une sculpture avant de le mouler. La bûche aux cerises sera à la carte dès décembre. En ce moment, je suis en train de mettre en bocaux ces cerises qui me serviront cet hiver à réaliser une marmelade assaisonnée d’estragon, d’amandes fraîches et de piment d’Espelette ».
Restaurant Le Meurice
Restaurant Le Dali
228, rue de Rivoli
75001 Paris