Cela ressemble au chant du cygne et c’est maintenant qu’il faut réagir et résister d’une autre manière. À notre manière bien certainement.
Pas de chiffres encore ou très peu pour parler du carnage des restaurants qui fermeront dans les prochaines semaines et du reste à venir ici et maintenant, ce n’est qu’un tout petit bout. Allons-y. Parlons et réfléchissons si nous en sommes encore capables dans ce vide intersidéral, loin des larmoiements généraux masqués .
Nous sommes presque tous allés au restaurant dans notre vie, au moins une fois. Nous sommes presque tous allés à un concert et à une pièce de théâtre. Nous avons tous lu des livres, des bons et des mauvais. On se connaît ? Sommes-nous les mêmes qu’avant le mois de mars de cette année ? Pouvons-nous encore communiquer sans vendre notre sale camelote mercantile, avant de nous mettre au vert ?
Il est drôle de faire table du passé éternellement. Certains y arrivent pour mieux vivre, moi pas. Le restaurant est un monument patrimonial de la culture française – en particulier parisienne – depuis presque deux cents cinquante ans (le premier restaurant du monde a été créé à Paris en 1765 ou à peu près), un monument non classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO vu que nous n’y avons aujourd’hui qu’un simple repas, la belle affaire depuis 2010, la date de la création de ce blog !, et et de se dire ainsi que, si nous – notre gouvernement élu par nos suffrages – le condamnons de fermeture aussi durement aujourd’hui, dans un bric-à-brac délétère idéologique très puritain, avec beaucoup de fausses analyses très puritaines elles aussi, nous nous condamnons nous-mêmes demain. Pour moi, le restaurant est le sommet de l’iceberg culturel de notre pays en train de couler et de fondre.
Bien sûr, qui va au restaurant ? Les nantis et les plus riches me direz-vous ? Non. Chacun ou presque a déjà testé l’idée et le plaisir d’un restaurant, comme un bon livre ou un amour à venir. Chacun a déjà su ce qu’était un restaurant : un moment à part, rare, privilégié et vu l’offre de notre pays, promis à presque toutes les bourses. Je ne parle pas des fast-foods et des autres endroits franchisés de la planète qui n’ont à proposer que des dernières fois industriels inhumains. Le restaurant, c’est toujours en quelque sorte une première fois, voire une deuxième ou une troisième, pour les amoureux. En fait, le restaurant n’est réservé qu’aux amoureux. Il y a de la fidélité là-dedans, du plaisir renouvelé à l’infini, des antres de découvertes humaines et sensorielles qui n’arrivent pas – pour moi – à la cheville d’un bon concert ou à d’autres préliminaires amoureux hasardeux. C’est un théâtre incertain mais sûr du ventre. Le restaurant est un lieu sans nom finalement, où tout peut s’arranger ou se découdre. Où tout se fait. De cela, mis à part le lieu, il faudrait parler de l’assiette et un peu de cuisine. La cuisine : un art total beaucoup plus subtil que la musique, que la danse et l’écriture, qui ne s’écrit qu’une fois et sans faute. Un art contemporain sans clichés qui se mange, l’imaginerez-vous ? C’est, dans le meilleur des cas, une éternité, dans le pire, un sommeil.
Le restaurant est donc un plaisir insondable de bien-être, pas seulement dans l’assiette et la bonne compagnie – qui nous manque tant en ce moment -, mais aussi et surtout dans la tête. Comme un bon electron libre que nous sommes tous normalement. Une fulgurance en quelque sorte. Un art électrique relié à notre survivance ou à notre mort.
Le restaurant est notre avenir, notre devenir… Il sera notre reflet pour les générations à venir.
O. B.
Non les restaurants ne vont pas disparaitre, non la créativité culinaire n’est pas condamnée.
Certes, nous traversons une épreuve majeure, mais je fais confiance à la profession pour se réinventer.
Il va y avoir une redistribution de cartes dans la profession, des disparitions bien sur. Mais c’est aussi une prise de conscience d’un retour vers la qualité, la proximité.
Les meilleurs du métier étaient déjà dans cette approche, mais ces deux critères vont devenir un passage incontournable.
Cela va être un accélérateur d’une tendance qui s’opère depuis plusieurs années. Je veux dire le passage de la restauration utilitaire (lieu de travail, et autre restauration rapide) à une restauration de loisir, de convivialité, thématique ou non. D’ailleurs, la restauration du soir prends le pas sur celle du midi depuis plusieurs années.
Ce qui ne nous détruit pas nous rend plus forts. Et que cette parenthèse soit l’opportunité de la réflexion et de l’audace pour le changement.
Mon cher Richard,
Je suis tout à fait conscient de ce que tu me dis, mais… Sans être rétrograde ni nihiliste,sans être pessimiste, je pense que non, nous n’aurons pas du meilleur à partir du moment où nos libertés seront limitées. Si la seule communication d’un restaurant dans les mois qui viennent proviennent de la toile et du marketing, il faut se poser les bonnes questions. Le retour vers la qualité, nous l’avions déjà depuis au moins quinze années. Ce fut un effort qualitatif et sensuel unique que le Fooding avait inauguré et terminé en se faisant racheter il y a une semaine par le pouilleux et si insupportable Michelin. Ce qui va de plus en plus marcher, comme sur la surface de cette planète si petite, c’est le marketing et la liberté de mentir, d’assurer tout un chacun pour prouver que leur camelote est la meilleure du monde, avec de bons producteurs, une ligne de la traçabilité irréprochable, d’autres critères donc qui n’ont rien forcément de gastronomiques. Un restaurant, c’est l’inverse. C’est un art et un artisan. C’est un individu, voire deux – l’un en cuisine, l’autre en salle généralement -, un lieu et souvent une ou beaucoup d’histoires. Je suis désolé de ne pas être d’accord avec toi Richard. Non. Le restaurant n’est pas qu’une assiette. IL est beaucoup plus, car il est, même récent, un patrimoine qu’il ne faudra pas toucher. Pas de réajustement. Pas de compromission. C’est un art qui existait et qui, j’en ai un peu peur, n’existera sans doute plus, en tous cas, plus dans cette dimension : celle du hic et du nunc. Cela va aller beaucoup plus loin que tu ne l’imagines. C’est une mort annoncée.
Le coeur au ventre !… Ce site porte vraiment bien son nom !
Merci
Merci Fred !
Merci de dire aussi poétiquement ce qu’est une partie de l’art de vivre à la Française: Même un petit restau…et vers Lyon Vienne en Isère, on est gâté…Même quand on mange on parle de « bouffe »
Merci !