Pas de chichis chez les Ch’tis ! Cela ne fait qu’un an à peine que Florent Ladeyn a lancé cette adresse bien courue pour ne pas dire branchée de Lille, et cela ne désemplit pas… Pour avoir la chance d’y déjeuner ou d’y dîner, il faudra montrer patte blanche : en ce milieu du mois de février, les réservations affichent déjà complet jusqu’en mai prochain… Bon, allez, disons le tout net, et rien que pour les lecteurs de Le cœur au ventre : faites comme moi, présentez-vous de bonne heure au déjeuner un peu avant midi. Bon seigneur, le patron garde toujours une ou deux tables pour les clients de passage. Quant au soir, ce sera sans doute plus difficile…
Un peu à l’écart du centre historique, niché entre la Vieille Bourse et la Citadelle de Vauban, en fond de cour pavée et toute briquetée dans la petite rue pittoresque des Bouchers du vieux Lille, Bloempot (« pot de fleurs » en flamand) ne paye franchement pas de mine au premier coup d’œil. Mais sitôt franchi la porte d’entrée, l’atmosphère conviviale de la salle et des garçons décontractés en bras de chemise, de la cuisine ouverte aux yeux de tous, invite à s’asseoir et à observer cette cantine pas comme les autres, ornée de tables de bois rustiques et de chaises chinées et dépareillées. Beaucoup d’habitués, des jeunes en nombre et des moins jeunes, de rares touristes de passage comme moi… C’est surtout un peu ici une affaire d’initiés.
À 29 ans, Florent Ladeyn peut être fier de lui. Finaliste en 2013 de la très cathodique émission Top chef, ce jeune chef nordiste un peu flamand de cœur garde la tête sur les épaules et le franc sourire. Une affaire qui marche. Entre l’auberge familiale du Vert Mont de Boeschepe, perdue en rase campagne entre Dunkerque et Lille, au bord de la frontière belge et dominant les monts de Flandre, et cette cantine lilloise décalée déjà récompensée cette année d’une fourchette au Guide rouge, Florent a tout compris et cela n’a pas tardé à se savoir… Un gars qui ne perd pas le nord en quelque sorte, fidèlement secondé à Lille par son chef Antoine Dodergnies.
« J’ai eu la chance de grandir à la campagne et d’avoir été sensibilisé très jeune aux beaux et aux bons produits. Les producteurs œuvrant autour de l’auberge du Vert Mont me fournissent ici, à Bloempot, mes matières premières le plus souvent travaillées en biodynamie, que ce soit les légumes mais aussi les viandes ou la crèmerie. C’est toute la différence ! ».
En plus de ses talents aux fourneaux, Florent a aussi l’art de la formule magique sur des cartes généreuses et largement ouvertes à la découverte. À 19,50 € le midi (entrée-plat ou plat-dessert) ou 25 € (entrée-plat-dessert) accompagné d’un verre de vin ou d’une bière pression locale, c’est une vraie aubaine… Les plus gourmands ou les plus gourmets pourront le soir ou le temps d’un week-end tenter les formules « Les yeux fermés » avec une ou trois assiettes supplémentaires à 34, 40 ou 50 €. Les plus curieux comme moi iront tout naturellement tester l’original et très convainquant accord mets-bières du cru, belges et françaises. À ne pas rater.
C’est parti ! En mise en bouche, voici le pickles de concombre / beurre fouetté du coin / charcuteries locales (saucisson à l’ail fumé, saucisson pistaché et fumé) accompagné d’une réconfortante et sombre bière « pétrole » Black Albert cuvée Delphine à 11° de la brasserie belge De Struise vieillie un an dans une barrique de bourbon, intense et profonde, aux arômes de pain grillé justement et de chocolat amer… Une découverte en ce qui me concerne.
Toute simple, mais mettant en valeur la betterave des Monts de Flandre du côté de chez Florent, l’entrée aiguise les papilles : la Betterave confite au beurre est ici servie tiède avec quelques bulots, fenouil, crème de ferme et raifort, accompagnée cette fois d’une bière blonde bruxelloise Zinne Bir de la brasserie de La Senne, maltée et très fine en bouche. Un accord parfait…
Le Cabillaud / crème d’héliantis / boudin noir / feuilles de moutarde / jus de poulet est à tomber par terre. Original et risqué, cet accord terre-mer boudin/cabillaud est servi à juste température et de très belle cuisson. Une blonde rafraîchissante et légère à la pression, fabriquée à partir de houblons du village familial de Boeschepe, nous reposera un temps les papilles.
Tradition nordique oblige, mais bien éloigné des Welsh rabbit servis partout dans les brasseries lilloises, le réconfortant Espuma au maroilles / crispy de lard et persil / pain de campagne grillé me rappelle combien les gens du Nord ont un beau coup de fourchette et aiment en avoir pour leur argent…et dans leur assiette. Légère, parfumée, cette fondue chaude en guise de plateau de fromage est un bel hommage aux spécialités du coin et d’une belle inventivité.
Comme rince-bouche chlorophyllien, le petit Sirop de feuilles de capucine / eau pétillante servi à table est un peu une marque de fabrique chez Bloempot… Les sirops fabriqués sur place sont régulièrement renouvelés : oseille, menthe-chocolat, persil et autres surprises sont de mise et émoustilleront les palais délicats.
Pour achever ce long et atypique repas, la Tarte Tatin, pommes des Flandres et sa crème chantilly au sureau et accompagnée d’une belle bière belge ambrée Angelus (brasserie Lepers) cuvée de Noël à la pression, est suivie d’un Muesli / lait battu / estragon… Une bien belle façon de terminer ce festin de… cantine ! Une cantine-bistro qu’on aime assurément, vous en doutiez ?
22, rue des Bouchers
59800 Lille
Pas de téléphone (!) : il faut réserver en ligne ou faire comme moi… venir de bonne heure. Le restaurant est fermé le dimanche, lundi et mardi soir.
- Sauf le samedi, menus à 19,50 € le midi (entrée-plat ou plat-dessert) ou 25 € (entrée-plat-dessert) accompagné d’un verre de vin ou d’une bière pression locale.
- 3 formules « Les yeux fermés » à 34, 40 ou 50 € le samedi et tous les soirs. Prévoir un supplément de 16 € pour l’accord « mets-bières locales ».
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