Neige d’été d’Hideki Nishi : un cœur de braise

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En plein réchauffement climatique, Neige d’été – du nom d’une rose blanche délicate – est l’une des très belles découvertes de cette rentrée 2014. Mon amie nippophile voisine, qui se lève soit dit en passant toujours très tôt, au « soleil levant », j’ai nommé Florence Gaillard, l’amoureuse des belles céramiques du site Sucre glace, m’en avait parlé dès le mois de septembre, bien avant que certains critiques émérites de la capitale s’y intéressent de plus près. Une adresse qui monte et qui ira loin assurément, tenue et entre-tenue dirais-je, de main de fer dans un gant de velours par le souriant chef un peu rock ‘n’ roll Hideki Nishi et sa charmante épouse Nirei.

Neige_dete_LCAV8Ici, calme absolu presque campagnard avec le vaisselier cérusé de la petite salle du fond, accueil ouaté avec les profondes banquettes recouvertes de fourrures (synthétiques), chaleureux, dans un décor blanc virginal qui colle si bien à l’enseigne et dont les cuisines ont été signées par le même atelier que les éclatantes banquettes de métal du tout nouveau Plaza-Athénée d’Alain Ducasse… À l’écart de toute circulation et des sentiers à la mode, Neige d’été est un endroit où l’on se sent bien. Il manquerait juste pour un peu une grande cheminée ronflante et quelques lévriers afghans alanguis et se dorant le poil devant l’âtre après une bonne partie de chasse… Pas de couverts sur la table, mais dessous, dans un petit tiroir coulissant prévu à cet effet, tables de bois et chaises cérusées, dignes de nos grands-mères… Assiettes en céramique magnifiques, sans glaçure, brutes et virginales à la fois. Le décor est dressé. À table !

« Ma cuisine est simple, spontanée et correspond surtout à ce que j’ai envie de manger. Je cuisine français et utilise peu d’aliments ou d’astuces de cuisine japonais, mis à part la cuisson au bois de chêne binchotan, une cuisson typique de la région de Wakayama. Je fais d’ailleurs venir ce bois directement de là-bas ».

Neige_dete_LCAV10Hideki a d’abord grandi dans le petit restaurant familial de ses parents niché à Matsusaka (terroir célèbre pour le bœuf du même nom et ses langoustes), dans la préfecture de Mie, à mi-chemin entre Osaka et Nagoya au sud du Japon. Si la cuisine l’intéresse, il s’oriente d’abord vers le marketing chez Canon et aide en extra ses parents les week-ends. Un jour de 1998, il décide de tout quitter et de s’expatrier en France pour se mettre à la cuisine française. La truffe et le foie gras et les produits français l’intéressent. Sans formation, il arrose de CV, sans complexes, les meilleurs restaurants de la capitale. Heureux coup du sort, ce sera Taillevent et le chef Philippe Legendre qui réagiront les premiers. Il entre comme commis. L’année suivante, après 18 ans chez Taillevent, Philippe Legendre entraîne son équipe, dont Hideki dans une nouvelle aventure : Le George V Four Seasons. De simple commis, Hideki devient chef de partie dans les poissons (rien que de plus normal !) et change de chef, Éric Briffard ayant en 2008 pris la main dans un des plus beaux palaces de la capitale. En 2014, il décide de se lancer en solo, après seize ans d’expérience. Autant dire le grand saut ! Ses fournisseurs, il les connais déjà : légumes d’Annie Bertin (collaboratrice de Michel Bras, Olivier Roellinger, Pascal Barbot, Éric Guérin…), les poissons d’Étel des frères Jégo, les homards de Vincent Doucet… déjà fournisseurs en titre du George V.

Neige_dete_LCAV3En entrée, l’encornet poêlé, girolles et petits pois repose sur un lit d’orge cuit à l’encre de seiche. Un mini-mini-cornichon en fleur, signé Annie Bertin, compose un bon équilibre de saveurs et de parfums, l’émulsion aux petits-pois venant aérer cette grosse bouchée de gourmandise.

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Servi ce jour là, l’onglet de bœuf black angus délicatement fumé au bois de chêne binchotan est d’une juste et parfaite cuisson, les parts étant généreuses. J’apprécie tout particulièrement l’accompagnement champignonesque nippon mêlant enoki, shimeji (voir photo ci-dessus) et shiitaké, à peine cuits et plein de parfums sylvestres, même si ce sont des champignons de culture… La purée de chou-fleur est d’une incroyable et fine texture, jamais goûté jusqu’à présent… Mystère de fabrication. Le jus de bœuf est corsé comme il se doit. Le filet de canard de Challans grillé sur bois binchotan, est aussi une autre des grandes spécialités de la maison.

Neige_dete_LCAV7La tarte aux figues, sorbet au thym-citron décorée de lumineuses fleurs de géranium est encore de saison (contrairement aux petits pois de l’entrée, un peu hors sujet peut-être). La nougatine aux noix est d’une très belle invention, l’ensemble faisant une impression de légèreté pour jeunes filles très « fleur bleue » évanescentes, en parfait accord avec le cadre et l’ambiance de la table. Les petits macarons à l’orange et les truffes à la ganache ponctuent finalement un repas somptueux, équilibré, au service sans tache ni reproche… Merci !


Neige_dete_LCAV9Neige d’été

12, rue de l’Amiral Roussin

75015 Paris Tél. : (33) 1 42 73 66 66

 

Déjeuner de saison (entrée, plat et dessert) à 35 € (+ 17 € avec l’accord mets et vins), menu du soir (2 entrées, viande et poisson, deux desserts) à 65 € (+ 40 € avec l’accord mets et vins).Vins d’ailleurs excellents sélectionnés par  Bunpei Someya, ancien sommelier du Passage 53. 

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