Mais où sont passés les oursins violets de la Côte bleue ?

 

En ce dimanche 19 février ensoleillé, voici venu le temps des « Oursinades » à Carry-le-Rouet, coquet petit port de la Côte bleue, coincé entre Martigues et Marseille. L’ambiance y est festive et décontractée, les visiteurs nombreux, mais les oursins… plutôt rares !

Les « oursinades » de Carry-le-Rouet fêtent cette année leur 60 ans d’existence…

Pour Maryse Canepa, adjointe au maire de Carry-le-Rouet et responsable de cette grande fête de l’oursin, « L’aventure a commencé par une galéjade… Les pêcheurs d’oursins de Carry ont décidé d’offrir au maire de l’époque son poids en oursins, à l’image de l’Agha Khan qui recevait chaque année son poids en or ou en argent… Par la suite, la municipalité a décidé d’inaugurer chaque premier dimanche de février une fête autour de l’oursin. Voyant le succès de l’opération, il a été décidé d’étendre cette fête aux trois premiers dimanches de ce mois, période où les oursins sont les plus matures. L’oursin, c’est un goût d’iode inimitable (voir une de mes recettes ici) ».

Tout semblerait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes… Pourtant, il y a deux ans, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins a été l’un des premiers à alerter l’opinion publique en dénonçant une chute drastique des stocks d’oursins de la Côte bleue. La municipalité de Sausset-les-Pins a réagi la première en débaptisant ses « oursinades » du mois de janvier en très consensuelles « fête de la mer », Carry-le-Rouet ayant suivi avec ses « fêtes des produits de la mer ». Les habitudes sont cependant coriaces et le mot « oursinades » est encore utilisé cette année par l’Office de tourisme de Carry pour communiquer sur cet événement haut en couleurs et suivi chaque année par une dizaine de milliers de visiteurs…

« On ne trouve plus les gros beaux oursins qu’on pêchaient il y a une trentaine d’années. Il y a une surpêche évidente. L’oursin met cinq ans avant d’atteindre sa taille adulte (la taille minimum de pêche doit être de 5 cm de diamètre, piquants non compris) et les pêches frauduleuses empêchent souvent qu’il parviennent à maturité. C’est une situation un peu dramatique… et puis tout le monde a voulu faire ses oursinades après nous… d’abord Saussey, Istres et Fos-sur-mer… » constate Maryse Canepa.

Interdite d’avril à novembre, la pêche à l’oursin est très réglementée en Méditerranée. Si elle s’effectuait encore il y a quelques années « à la grappe », une vitre permettant depuis le bateau en surface de localiser l’oursin en fond de mer, elle s’effectue aujourd’hui en apnée en plongée, et à de rares dérogations près, en bouteilles pour quelques professionnels patentés. Signe des temps, il n’y a cependant actuellement plus de pêcheurs d’oursins à Carry-le-Rouet… S’il en reste encore quelques-uns à Sausset-les-Pins et à Marseille, la profession ne compte plus qu’une poignée de représentants, la raréfaction de l’oursin violet de Méditerranée aidant.

« Le week-end dernier, la majorité des 1 500 douzaines d’oursins proposés à la dégustation à Carry provenaient de Corse. » reconnaît Maryse Canepa. Il y a un mois, les oursins commandés par le Comité des fêtes de Sausset provenaient, eux, d’Espagne…

« Sur la Côte bleue, nous avons la chance d’avoir encore des fonds très riches en herbiers de posidonies, ces dernières entrant dans l’alimentation des oursins. » Oui mais, jusqu’à quand ? Très surveillée depuis 1983 par le Parc marin de la Côte bleue, la régression des herbiers en Méditerranée inquiète les spécialistes : en un siècle, on observe la diminution de 90 % des herbiers au large de Marseille entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui. L’habitat est menacé par les activités humaines : bétonnage des côtes, rejets urbains, pollutions diverses, fréquentation estivale excessive, ancrages des bateaux qui raclent les fonds, etc.

 

Alors, si un petit tour sur le quai Maleville sur le port de Carry-le-Rouet vous tente demain dimanche 26 (la fête a été exceptionnellement décalée jusqu’à cette date, celle du premier dimanche ayant été supprimée pour mauvais temps), il vous faudra peut-être, tout comme moi le week-end dernier, vous rabattre sur quelques huîtres, moules ou crevettes du fait de la trop forte affluence (les queues auprès des deux ou trois mareyeurs sur place étaient interminables !). Quoi qu’il en soit, l’ambiance est bon enfant et – ô miracle !, le lieu pas encore trop fréquenté par les touristes avec ce petit air balnéaire désuet inimitable des Vacances de M. Hulot mises aux accents de Fernandel !

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