Un vrai cabinet de « curiosi-thés »

 

Cela commence à faire quelques années que nous suivons avec plaisir notre amie Lydia Gautier, sommelière et experte en thés dont nous avions déjà parlé ici. Elle vient de signer tout récemment aux éditions Delachaux et Niestlé son dernier ouvrage Portraits de thés – Voyage dans 40 pays producteurs qui, à lui tout seul, est une sorte de condensé particulièrement envoûtant, clair et riche de 119 thés « portraiturés » de par le monde. Comme insiste Lydia depuis de nombreuses années, il y a de grandes similarités entre le thé et le vin, les théiers et la vigne qui s’inscrivent chacun dans leur terroir. Chaque type de thé a souvent une très longue ou moins longue tradition, suivant que l’on se place en Chine continentale, terre sacrée originelle du thé, ou en Inde où la culture du thé est le fait des colons anglais dès le milieu du XIXe siècle, au Brésil, au Kenya et au Pérou, pays producteurs beaucoup plus récents… Derrière chaque feuille de thé se cache surtout des producteurs émérites et d’habiles artisans qui ont su garder un savoir-faire unique parfois millénaire comme en Chine. 

« Cha » tout simplement

Oxydation, fermentation, le thé est loin d’être une boisson simple et relève d’un art consommé en  Chine, beaucoup plus qu’au royaume de la perfide Albion et du temps du five o’ clock d’ailleurs en perdition. À ce sujet, nous voudrions expliquer rapidement un simple caractère chinois (notre chinois est modeste, mais encore existant après cinq ans de pratique). Le caractère en chinois  mandarin simplifié  (prononcer «  tchâ ») réunit à lui tout seul tout ce que Lydia Gautier défend. Il y a trois caractères dans ce seul idéogramme : tout en haut, celui de l’herbe 艹 ou du végétal présent dans de nombreux autres caractères alimentaires ; au milieu, celui bien connu de l’homme 人 (un homme qui marche) qui représente le travail des hommes aux champs de théiers ; et enfin tout en bas celui équivalent à la petitesse des plants de théiers (ma professeure de chinois disait que ce dernier caractère était celui des racines, mais je n’ai pas pu le trouver). En traduction intégrale française, cela ferait «  petite plante cultivée par l’homme ». Et si je retiens la version de ma chère prof  de chinois d’il y a quelques années cela ferait «  plante ancrée dans le sol cultivée par l’homme ». Tout un programme qui rejoint donc la trilogie du thé évoquée dans ce livre : théier-savoir-faire humain-terroir. 

 

Tai ping hou kui ou Premier singe de Tai Ping : thé vert de la province de l’Anhui (Chine).

Êtes-vous un voyageur « théophile » ?

Car c’est bien une invitation au voyage dans lequel nous entraîne l’auteur, presque une invitation à la transe théière ! Loin des thés parfumés connus de tous, on peut trouver de par le monde de rares pépites qui valent le détour comme dirait M. Michelin. Avec 55 portraits théiers des thés blancs aux thés noirs en passant par les thés verts, jaunes, wulongs ou thés rouges, la Chine vient loin devant et c’est bien normal. Elle demeure encore la productrice incontestée de la planète, historiquement et en terme de volume avec ses 2,4 millions de tonnes par an ! Viennent ensuite le Japon, la Corée, l’Asie du Sud-Est, l’Inde, le Népal, le Sri Lanka, puis le continent africain et ses rooibos mais pas seulement avec le Kenya, l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda, sans oublier l’Afrique du Sud, La Réunion, l’Iran et la Turquie, la Russie, le Brésil – où réside la plus importante communauté japonaise du monde, l’Argentine, le Pérou, la Bolivie et la Colombie… et même le Royaume-Uni avec le thé blanc fumé de Dalreoch, un thé produit depuis 2014 dans les Highlands par un toqué d’Irlandais du nom de Tam O’Braan ! 

Ce livre superbement illustré des photographies de Rebecca Rübcke saura convaincre tous les amoureux du thé. Fidèle à son métier de sommelière, Lydia conseille, en plus d’un récit historique très complet pour chacun des thés présentés, des méthodes de préparation, mais surtout les accords avec les mets adaptés aux flaveurs et parfums des thés retenus. 

Saluons aussi le respect orthographique mandarin du pinyin pour le respect des noms de thé chinois, ce qui malheureusement n’est pas aussi fréquent que cela dans les ouvrages sur le thé ! Encore une belle idée de cadeau pour Noël. Et zou ! Dans la hotte direct. Vraiment. 


Lydia Gautier (en collaboration avec Joëlle Danies), Portraits de thés – Voyage dans 40 pays producteurs, Photographies de Rebecca Rübcke, éditions Delachaux et Niestlé, 288 pages.

Parution : octobre 2018

Prix : 34,90 € 

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