Trompinette bouchée de Boris Vian ou bouchée de trompinette de Pierre Hermé ?

Boris Vian (1920-1959), mort à 39 ans, aurait-il aimé que l’on décline aujourd’hui sa « trompinette » de jazz bouchée ou pas (sa trompette de poche, facile à transporter) en pâtisserie, que celle-ci soit signée du légendaire pâtissier français des temps modernes Pierre Hermé, qu’elle soit une religieuse mi-chocolat mi-framboise en référence à sa tarte Chloé, déjà sortie depuis 2015 pour une amie de ce même prénom, reprenant le nom de l’héroïne de l’Écume des jours, que cette même pâtisserie soit disponible à 14 euros en exclusivité aux Deux-Magots à partir du 24 juin prochain dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés ? Pas sûr, mais Boris savait rebondir à chaque proposition et savait à coup sûr reconnaître le bon grain de l’ivraie… Boris est mort. Vive Boris ! Boris aurait mastiqué avec soin comme nous la belle religieuse pour ses 100 ans. A pleines dents sans doute. Mais à quoi bon : pas le temps d’expliquer ce que fut Boris qui s’enfuit irrémédiablement dans les limbes de notre oubli, de notre ennui, du vôtre pas du mien peut-être…

Pierre Hermé a eu pourtant le courage et l’audace sans être pataphysicien de la première heure de s’atteler à la tâche : rendre hommage au plus talentueux des écrivains (très très bons) et jazzmen français (mauvais trompettiste et excellent parolier) de son époque, insatiable chroniqueur de Jazz Hot. Pierre Hermé en voisin germanopratin, cela s’imposait. Bien, mais encore et pour quoi faire ? La petite cuisine de Boris Vian a-t-elle quelque relation avec celle de Pierre Hermé, et avec les Deux-Magots ? Non. Rien ne dit que Boris Vian fréquentait le lieu, préférant le Tabou entre autres, où je joue depuis plus de 20 ans  et joue encore périodiquement de mon saxophonette alto en compagnie de mon ami pianiste Christian Brenner. Cette belle pâtisserie serait-elle un prétexte à redorer le blason culturel de Pierre Hermé et des Deux-Magots, le grand chef et la directrice de l’établissement qui reconnaissaient il y a une semaine ne pas très bien connaître l’oeuvre du dandy touche-à-tout de Saint-Germain-des-Prés ? Autant de questions pour une petite religieuse sucrée et beurrée me direz-vous ? Bien. Et voilà. Il y a l’histoire. Il y a le marketing. Et il y a certains autres : les amoureux de tout ça.


Les Deux-Magots

6, place Saint-Germain-des-Prés

75006 Paris

Tél : 01 45 48 55 25

4 Responses to “Trompinette bouchée de Boris Vian ou bouchée de trompinette de Pierre Hermé ?”

  1. Gwénola Répondre

    Oui en effet, quelle idée de vouloir s’approprier des mémoires sans même s’y intéresser. De la com, encore et encore….

    • Bonsoir Gwénola ! Le ton de cet article n’était pas forcément polémique… Les plus grandes institutions culturelles encensent aujourd’hui des artistes qu’elles niaient hier, font à tour de bras des rétrospectives sur de grands noms à des dates anniversaires pour ramener du monde et faire le profit qu’on leur demande. Ne pas avoir lu Boris Vian n’est pas une honte en soit, mais bon… A bientôt sur Le cœur au ventre !

  2. Olivier, il me semblait t’avoir expliqué pourquoi nous commémorions Boris Vian aux Deux Magots. Tu sais que je suis une grande fan de Boris Vian et que j’ai eu la chance de rencontrer Nicole Bertolt, une femme incroyable qui est la mandataire de son œuvre. Comme Les Deux Magots sont un de mes clients et que Boris Vian a fréquenté Les Deux Magots comme d’autres établissements de Saint Germain des Pres, j’ai eu envie d’honorer sa mémoire dans cet établissement mythique. J’ai donc présenté Nicole Bertolt à la propriétaire des DEux Magots et ça a été une belle rencontre. Et Nicole Bertolt a toujours eu envie qu’il y ait une commémoration à Saint Germain des Pres car Boris Vian était élu le Pape de St Germain des Pres. Nous n’avions pas besoin de Boris Vian pour faire venir du monde aux Deux Magots. Je me suis juste fait un ÉNORME plaisir.

    • Chère Vinciane,
      Je sais bien tout ceci et je te remercie pour ton commentaire sur cet article. J’ai longtemps réfléchi sur ce dernier. Je ne pense pas avoir été trop méchant en la matière. Effectivement, Les Deux Magots n’ont absolument pas besoin de Boris Vian pour faire venir du monde… Je m’interroge, c’est tout. Peut-être aurait-il fallu expliquer cela ? Je t’embrasse fort. Olivier

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