La seconde vie de Dodin-Bouffant par Mathieu Burniat

Dedicace_Dodin_Bouffant_Mathieu_Burniat_LCAVIl est difficile de parler de la cuisine, encore plus d’écrire là-dessus. De la dessiner, on en parlera même pas… Pourtant, certains s’y essaient, et avec talent. Troisième opus du genre à ma connaissance, après En cuisine avec Alain Passard signé par Christophe Blain en 2011, et À boire et à manger de Guillaume Long paru en janvier 2012, BD que nous avions chroniqué ici, voici une petite gourmandise  publiée en cette rentrée : La Passion de Dodin-Bouffant du jeune dessinateur belge Mathieu Burniat.

Revisitant librement l’ouvrage de Marcel Rouff* paru en 1924 sous le titre La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet, Mathieu a eu ici un vrai éclair de génie, comme il nous l’explique lors d’une récente dédicace à Paris :

« L’idée de reprendre l’ouvrage de Marcel Rouff m’est venue car je voulais depuis longtemps dessiner une BD qui parlait de gastronomie avec une vraie histoire, du suspens et de l’amour aussi… En faisant des recherches, je suis tombé sur ce bouquin incroyable retraçant la vie d’un gastronome au XIXsiècle. Cela m’arrangeait bien, car j’adore la vieille France gastronomique et les premiers gastronomes. J’ai d’abord lu à 18 ans la Physiologie du goût de Brillat-Savarin, et pensais l’adapter en BD, mais j’ai rapidement abandonné, car je pense que l’œuvre était difficile à mettre en images. J’avais également lu quelques recettes d’Alexandre Dumas (N.D.A. : le fameux Dictionnaire de cuisine)… Tout cela m’intéressait… Pour moi, ce sont ces gastronomes-là, avec Grimod de la Reynière, qui ont fait que la cuisine française est telle qu’elle est aujourd’hui. À la base, je voulais un peu être ironique par rapport à cette fierté toute gauloise et cette relation particulière que vous avez, vous les Français, avec la gastronomie. Les Belges sont aussi là pour ça ! D’après moi, si la France est devenue le pays de la gastronomie, c’est que les Français, par l’intermédiaire des gastronomes, savaient mieux communiquer que les autres ! ».

Burniat_Dodin-plancheÉpisode phare du livre de Marcel Rouff et de Mathieu Burniat, la recette fétiche du livre est évidemment le pot-au-feu « prodigieusement imposant » servi en sa demeure par Dodin-Bouffant au prince d’Eurasie (voir planches reproduites ci-dessus). Morceau d’anthologie de la littérature gastronomique, cette recette gargantuesque imaginée par Marcel Rouff a depuis été elle aussi revisitée par de grands chefs et pas des moindres : Raymond Oliver, Jacques Manière – qui avait organisé le festin en dix services !, et plus récemment Yannick Alléno et le 23 janvier dernier Jean-François Piège à La Table ronde, l’atelier de Nicolas Chatenier. « Ce qu’il y a de marrant, c’est que je n’ai plus mangé de pot-au-feu depuis ma tendre enfance… Je ne suis d’ailleurs pas très fan de la viande bouillie, mis à part certaines recettes comme le waterzooï (N.D.A. : plat traditionnel belge à base de poulet ou de poisson cuit en bouillon, » waterzooï  » signifie littéralement  » eau qui bout « ) ».

Dedicace_Dodin_Bouffant_Mathieu_Burniat_LCAV2Question cuisine, Mathieu avoue ne pas cuisiner « super bien » et fréquenter surtout les restos de la capitale belge.

« À Bruxelles, je vais parfois au restaurant, dont le Café des spores (lire notre article à ce sujet ici) fondé avec Pierre Lefèvre par Philippe Emanuelli. C’est lui qui m’a d’ailleurs fourni la recette des Bouchées de Saint-Marcellin aux morilles d’Adèle Pitou (recette détaillée à la fin de l’ouvrage) placée dans le livre à la place du homard aux morilles du bibliothécaire Trifouille… Je ne suis pas très accro à la cuisine belge, mis à part les croquettes aux crevettes dont je raffole et qui apparaissent dans mon premier ouvrage de la série Shrimp paru chez Dargaud en 2012, les bières et le chocolat, qui sont plutôt des spécialités de chez moi. Si on parle de recettes et de plats, j’avoue avoir dans ce cas un net penchant pour la cuisine française et japonaise ».

Et Mathieu de conclure :

« Je ne sais pas si je retravaillerai sur l’histoire de la cuisine, mais il se peut que cela me retente. En fait, j’ai beaucoup de passions dans la vie, la cuisine avant tout, mais aussi la SF et les sciences, les voyages, le Larzac… une région où je pars souvent en vacances. J’ai beaucoup d’idées en réserve ».

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* Marcel Rouff (1Rouff_Dodin-couv877-1936) : gourmet et gastronome, grand ami de Curnonsky (1872-1956) avec lequel il publie La France gastronomique. Guide des merveilles culinaires et des bonnes auberges françaises (28 volumes publiés entre 1921 et 1928), Marcel Rouff fondera avec lui en 1928, sur le modèle de l’Académie française, l’Académie des gastronomes. La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet, parut pour la première fois à Paris, chez Delamain et Boutelleau, en 1924, avec des illustrations de Joseph Hémard. Il connut de nombreuses rééditions : Paris, éditions Stock, 1970 et 1984, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990 et, dernière en date Le Serpent à Plumes, Paris, 1995.


Burniat_couv_DodinMathieu Burniat, La Passion de Dodin-Bouffant, éditions Dargaud, 2014, 128 p.

Prix : 17,95 €

Dans toutes les bonnes librairies depuis le 3 octobre…

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