Olivier Picard nous met au vert

Olivier_picard_LCAV2À l’heure où certains gastronomes d’un autre âge pleurent Roger Vergé décédé vendredi dernier, l’un des premiers chefs français à avoir remis les « petits » légumes à l’honneur (Les légumes de mon moulin, Flammarion, 1992) – neuf ans avant qu’Alain Passard décide de se consacrer aux légumes et de retirer la viande rouge de son restaurant parisien de L’Arpège -, il était sans doute temps de se mettre un peu au vert pour cet été. L’occasion nous en a été donnée lors d’une séance de dédicace assez instructive à Terra Culinaria, le nouvel atelier culinaire d’Olivier Picard. Amoureux du végétal sous toutes ses formes, qu’il soit maraîcher, fruitier ou sauvage, ce jeune chef de 29 ans a en effet ouvert en novembre dernier, en plein cœur de Paris, sans tambours ni trompettes, le premier atelier de « gastronomie végétale » – le mot est lancé ! Déterminé et l’œil pétillant, affable, il explique sans détours sa passion pour le végétal, des plantes sauvages aux algues en passant par les céréales pour la confection du pain, les fruits et les légumes de saison, sa grande rencontre avec les légumineuses encore boudées aujourd’hui…

Des légumes…

Après une formation en école de commerce, il change de cap, expérimente un temps la photographie et décide de franchir le pas. Ce sera la cuisine ou rien, et pas n’importe laquelle.

« Très tôt, j’ai trouvé qu’il y avait un vrai manque en France autour de la cuisine du végétal. Quand j’ai recommencé mes études en lycée hôtelier, existaient en parallèle le monde de la gastronomie traditionnelle où les recherches dans le monde végétal étaient encore assez limitées, et le monde de la cuisine végétarienne, qui d’après moi, manque en règle générale de technique. De par ma formation de cuisinier et mes convictions personnelles et éthiques sur le végétal, j’essaye aujourd’hui de faire le pont entre ces deux univers ».

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Betterave marinée à la fraise, éclats pralinés, fleurs de ciboulette – Photo : © Olivier Picard

Pour Olivier Picard, les légumes, comme les plantes sauvages d’ailleurs, ne doivent pas être perçus en accompagnement ou décorum du plat principal, mais bien comme des ingrédients composant des plats en soi. Il s’agit donc bien d’une cuisine du végétal.

« Pour moi en cuisine, déclare Olivier, c’est avant tout la technique qui prime. Cela explique mon parcours initial par une formation traditionnelle en lycée hôtelier. Quand on possède cette technique, les idées suivent plus facilement. En matière de légumes, je trouve par exemple que les légumineuses ne sont pas assez explorées, notamment en desserts. J’ai eu l’idée de réaliser récemment une tarte sucrée de crème de pois cassés, kiwis, sur une pâte sablée au sarrasin (voir photo ci-dessous). Dans mon dernier livre Plantes sauvages à ma table, j’ai mis au point une pâte à tartiner sucrée de pois cassés et ortie assez étonnante… »

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Tarte sablée au sarrasin garnie de crème sucrée de pois cassés et de kiwi frais – Photo : © Olivier Picard

aux algues et plantes sauvages

Olivier découvre le monde très secret des algues au printemps 2011 à Saint-Malo en compagnie de Kyoko Onishi, spécialiste japonaise en macrobiotique, et de Marie Calmon, très investie dans la cuisine naturelle. Cette idée maîtresse du « tout gastronomique végétal » est si forte chez Olivier, qu’elle convainc les éditions Alternatives de l’éditer dans leur collection Tout beau tout bio en 2013, alors qu’il est encore en formation hôtelière. Ce sera la même année coup sur coup Les algues au naturel cosigné avec Kyoko Onishi et Marie Calmon, suivi de Boulangerie au naturel avec Laurent Louis, au moment-même où il est en stage à L’Arpège chez Alain Passard. Nouveaux défis, nouvelles découvertes, notamment de plantes originales chez le maître des légumes parisien qui l’orientent peu à peu cette fois vers l’univers botanique des plantes sauvages.

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Berce – Photo : © Olivier Picard

« La berce est une autre plante sauvage passionnante, qui est presque un condiment en soi, tant ses arômes d’agrumes explosent en bouche. »

Déclic. Olivier Picard dévore l’œuvre de François Couplan, l’ethnobotaniste et collaborateur de Marc Veyrat (leur première collaboration sur les plantes sauvages date de 1997 avec l’ouvrage qui fera date L’herbier gourmand) et part herboriser dans les alpages suisses… Tout naturellement, il travaille un temps à Grenoble chez Stéphane Froidevaux, un ancien de Marc Veyrat. Olivier part cet été-là herboriser et cueillir ses précieuses plantes au col du Lautaret. Il contacte enfin François Couplan qui l’accepte dans son équipe l’été durant ses stages d’ethnobotanique et de cuisine des plantes sauvages…

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Photo : © Olivier Picard

À la rentrée 2014, il est mûr pour faire le grand saut et se mettre à travailler en solo à Terra Culinaria, son nouvel atelier parisien. « J’ai beaucoup appris avec François Couplan. J’ai découvert progressivement l’égopode, un légume aromatique proche du céleri, la stellaire, le chénopode proche des épinards et de la même famille que le quinoa, le mélèze aux arômes citronnés, le rumex alpin ou oseille des Alpes… D’après moi, les plantes sauvages sont tellement riches en nutriments que c’est un non-sens que de les associer avec de la viande ou du poisson ! »

« Séchées, on peut quasiment trouver aujourd’hui en herboristerie toutes les plantes sauvages intéressantes en cuisine ».

Et avant de partir, Olivier de nous sortir sa dernière petite création, entre une dégustation de thé à la menthe aux graines de tournesol torréfiées et une autre recette de glace à la laitue de mer : un chou blanc lacto-fermenté à la fleur de sureau… La fermentation, encore un autre sujet ! Il y a bien un peu du sorcier-chamane chez cet homme-là qui déborde d’idées et d’énergie ! Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à sa bibliothèque de simples, d’algues séchées et de fromages de soja et autres mélanges étonnants pour s’en convaincre.

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  • Pour ses cours, Olivier propose deux formules à 7 ou 8 personnes maximum : une formule plutôt technique le soir et en semaine de 19h à 21h30 comprenant aussi le repas, au total 9 cours distribués par niveau autour de 5 thématiques : taillages, cuissons, sauces et bouillons, ou potages et purées. Il insère une initiation aux plantes sauvages dans ces cours, en ne retenant que les herbes qui pourront être achetées en boutiques « bio », menthe, mélisse, angélique, feuilles de cassis… L’autre formule est plus thématique, généralement le week-end, le samedi de 10h30 à 14h30, généralement autour de produits comme les algues, le pain ou les légumineuses.

 

  • Il y a bien sûr encore les sorties du week-end autour des plantes sauvages cueillies en forêt domaniale d’Armainvilliers (voir photos) de 10h à 16h. Les invités dégustent en pleine nature 4 préparations réalisées à partir des plantes rencontrées au cours de cette balade gourmande unique aux portes de Paris (voir photo ci-dessous). Cet été, Olivier exporte ses talents du côté des Cévennes et dans les Hautes-Alpes.
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Dégustation en forêt : crème dessert de flouve odorante, cerises en gelée d’angélique – Photo : © Olivier Picard


 

  • Un lieu d’enseignement : Terra Culinaria 36, place du marché Saint-Honoré 75001 Paris

  • Un livOlivier_picard_LCAV9re :

    Olivier Picard, Plantes sauvages à ma table, éditions Alternatives, parution février 2015, 112 pages.

    Prix : 13,50 €

 

 

 

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