Mumi et tous ses amis

C’est le printemps demain ! Et ça commence à bourgeonner un peu partout, surtout aux Halles de Paris…

Rue Sauval au cœur de Paris, près de l’ancien trou des Halles. Une modeste voie qui ne prit son envol qu’en mars 2009 au moment où Adeline Grattard y installait son premier restaurant Yam’tcha (un article à lire ici) déménagé six ans plus tard à une encablure dans la très et plus huppée rue Saint-Honoré voisine. Tout un symbole instructif. Si la rue a gardé son charme ancien et notamment la belle boutique de bao et de thés Yamt’cha du n° 4, d’autres enseignes ont défilé depuis… sans succès pour certaines. La bataille est rude. Puis, voilà l’inauguration de la Canopée au printemps 2016. et dans la foulée le groupe Pinault décide avec un beau chèque de 86 millions d’euros de la ville de Paris d’installer sa fondation parisienne d’art contemporain dans l’ancienne bourse du commerce, autrefois chambre de commerce et d’industrie de Paris et de la région Île-de-France. Une grande nouvelle qui a fait couler peu d’encre étonnamment… Pourtant le bâtiment trône en empereur pour une fois depuis longtemps depuis la destruction du forum des Halles, actuellement sous une bâche blanche immaculée qui le fait le ressembler à une énorme yourte géante des grandes steppes. Depuis 2016, beaucoup d’investisseurs et de financiers ont senti le vent tourner, comme hypnotisés par l’aubaine d’un nouveau quartier d’influence et de pouvoir. Comme toujours depuis le XVIIIe siècle à Paris, les restaurants suivent le mouvement de la politique, du monde des arts et des financiers… Ce fut à l’époque, près du Louvre, le Palais-Royal (jusqu’à la fermeture de ses tripots et maison de prostitution par Louis-Philippe en 1836). C’est maintenant les Halles et pour combien de temps ? Alain Ducasse a été l’un des pionniers, sans aucune surprise, à s’installer sous la Canopée. Nous avions couvert l’ouverture du Champeaux en juillet 2016 et Voilà Mumi et tous ses amis, les autres qui arrivent, le cathodique Jean-François Piège à l’historique Poule-au-Pot (un des derniers troquets avec Chez Denise à être ouvert aux Halles jusqu’au bout de la nuit) et bientôt l’Aveyronnais Michel Bras à la Fondation Pinault… Mine de rien, le projet de la fondation Pinault  est en train de révolutionner le cœur de Paris, après celle des Halles Baltard sous Napoléon III entre 1852 et 1870, le forum des Halles voulu par Pompidou et le centre homonyme voisin au début des années 1970, un siècle après la grande transformation du quartier racontée par Zola. Le temps se raccourcit on dirait… presque cinquante ans, deux fois moins de temps pour une autre transformation radicale voulue par les urbanistes et aussi quelques autres on dirait. Ici, ce n’est pas de l’art ou du cochon.

Ni Paris, ni New York… juste ailleurs

Ancien sommelier du Porte 12 du quartier Poissonnière, Thibault Passinge  a voulu créer avec le chef gréco-new-yorkais Angelo Vagiotis une adresse à leur image. Ce sera «Mumi », un hommage au «Museum Mile », un des quartiers culturels les plus représentatifs de la Grosse Pomme, comprenant entre autres le Metropolitan et le Guggenheim,  transposé à Paris entre le Louvre, le centre Pompidou et la future fondation Pinault. Un long laïus écrit sur la devanture explique l’alchimie du lieu dans une des aires culturelles de demain qui promet d’être l’une des plus en vue de la capitale. Un détail amusant fait que le nom de la fondation n’a pas encore été inscrit, l’espace étant juste réservé… Dès l’entrée, on ne sait trop quoi penser, hésitons entre le night-club, un obscur bar japonais ou une cabine améliorée Soyouz… Atypique, l’endroit l’est certainement avec une décoration assez brute signée du street artiste Codex Urbanus (pour ceux qui connaissent)… L’accueil est plutôt chaleureux, un brin cérémonieux et la décoration fait plutôt penser à une adresse du soir que du midi.

Des idées plein les yeux

Ça commence et ça tape assez fort chez Mumi. Comme amuse-bouches, voici des Algues nori torréfiées / mousse estragon / mousse poivron  joliment dressées sur les pépins de courge, accompagnées d’un suave et réconfortant Bouillon dashi / champignons enoki / shiso. Sympa et bon, mais sans grande originalité, si ce n’est la présentation, notamment la très belle céramique japonisante du bouillon (voir photo ci-dessus). Ah oui, est-ce un signe des origines hellènes du chef, une huile d’olive bio assez craquante Domaine des Bastidettes (pays d’Arles) trône aussi sur la table, en compagnie d’un beau pain au levain… Un signe ?

En entrée, Daurade / Radis / Vinaigrette de homard. Accord parfait, peut-être un peu trop léger en quantité, mais signé certes. Les salicornes et fleurs de sureau parsèment le plat avec bonheur.

Variétés de pommes de terre / œuf  / sauce babeurre. Comme souvent, la cuisson de l’œuf à basse température laisse à désirer. Les poireaux et les pommes de terre, alliance de la cuisine des familles n’éclairent pas ici l’assiette, et le jus vinaigré (en fait de la purée de champignons à la levure) ne vient pas faire planer nos papilles à la hauteur de nos yeux. Une superbe présentation cependant avec quelques mourons des oiseaux qui égaient l’assiette…

 Les plats décollent littéralement et nous les attendions avec impatience. Après le calme, la tempête ! Superbe Lieu jaune / haricots Coco de Paimpol et coques / orange.  Il y a là-dessous une belle maîtrise du poisson et des accords au bout des doigts. Bravo ! Les olives noires concassées et déshydratées au four jetées en croûte sur le dessus du poisson font merveille(s). Sauvage du poisson et des olives, et rusticité des beaux cocos de Paimpol en contrepoint, voilà qui nous fait revenir sur terre comme dans un beau coup de boomerang. Le lien entre les coques et le beurre blanc à l’orange, une vraie damnation, nous rappelle une de nos recettes présentée ici. Magique et très très bon. 

Le Cochon fermier d’Auvergne / pomme royal Gala / pak choï sans oublier la purée de boudin noir et le jus de cochon corsé sont francs, au goût bien déterminé, sans partage(s) avec les belles feuilles de capucine. Sans doute un chouia trop classique par rapport à la découverte du plat précédent, mais du sérieux.

Les desserts suivent le mouvement : rien que de la haute voltige que nous aimons ici, avec encore beaucoup de choses à dire ! Nous adorons littéralement à quelques nuances près. Le Riz basmati / café (photo ci-dessus) est totalement bluffant sans en avoir l’air. Il s’agit d’un vulgaire riz au lait façon tiramisu recouvert d’une fine tuile au café. A l’intérieur, comme chez M. T, qui sait garder tous ses secrets, voilà beaucoup de belles surprises :  tuile au café donc sur le dessus, glace au riz basmati en dessous, espuma de riz basmati, grains de riz soufflés, biscuit Joconde au café au fond. Un des plus beaux desserts goûtés depuis au moins cinq ans, sérieusement. Une belle garde et une parfaite et grande surprise buccale et stomacale. Alors là… Ouf !

S’ensuit une oeuvre d’art sur une assiette : la Poire / hibiscus / poivre long. Alors là, encore chapeau ! Du très très beau à l’œil. L’effet inverse du premier dessert où l’on ne voyait rien. Les feuilles d’oxalis et la compote de pommes-poires n’apportent rien à l’hibiscus (que je connais très bien). La glace au poivre aurait dû apporter du peps, mais… Magnifique dessert néanmoins, juste pour l’œil.

Et puis voilà les gourmandises avec un très bon café (pour une fois) : à la manière de beaucoup de chefs aujourd’hui, les enroulés de pommes au poivre de Sichuan, bien surprenants et très très frais se dégustent juste avec les doigts. On y revient !


Mumi

14, rue Sauval

75001 Paris

Tél. : (33) 1 40 26 27 54

Ouvert midi et soir du mardi au dimanche de 12h00 à minuit. Déjeuner (entrée et plat ou entrée, plat et dessert) de 29 à 35 €. De 48 à 66 € au dîner (de 4 à 6 plats en menu dégustation). Réservation conseillée !

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