Les belles sauvageonnes de Noémie Vialard

A saint-Justin, est à graines le plantain.

Qui connaît ces sauvageonnes et « indomptées » qui courent libres en sous-bois, le long des prés, des chemins et même dans nos jardins ? N’avez-vous jamais eu le cœur battant en découvrant ces trésors insoupçonnés, ail des ours, berce, pimprenelle, plantain ou nombril de Vénus – un nom si charmant aurait dit Fernandel –, au hasard d’une balade à la campagne, le nez au soleil ou dans la pluie ? Et pourtant, glaner est une des occupations humaines les plus ancestrales qui soient. Elles furent appelées un temps par les nobles aristocrates du triste nom de « vaines pâtures », car elles permettaient à la roture de se nourrir à bon compte en allant faire glaner ou paître leurs bestiaux, porcs et vaches, sur les terres des « sang bleu ». Les cueilleurs de champignons le savent bien, mais ils ne sont pas les seuls. Les plantes et fleurs sauvages sont une manne qu’il faut vite redécouvrir, parole de glaneur invétéré !

Noémie Vialard – © Photo Jean-Luc Brunet

L’acteur, écrivain et écologiste avant l’heure Alain Saury était son mentor. Ancienne pépiniériste et auteur d’une cinquantaine d’ouvrages depuis une trentaine d’années dont Le jardin des cueillettes paru en 2004 (éditions Rustica) et en 2015 le remarquable livre Le jardin spontané (éditions Delachaux et Niestlé), Noémie Vialard nous invite dans son dernier et tout frais opus intitulé Balades gourmandes à la rejoindre dans une chasse aux trésors peu banale. Sa grande culture botanique et son goût inné pour la cuisine nous entraînent chemin faisant par les petits sentiers creux, les lisières forestières ou les chemins de douanier de nos côtes. Les sens en éveil, l’œil aux aguets, le couteau à la main, cette Bretonne d’adoption depuis douze ans nous propose, toujours avec beaucoup de délicatesse et de poésie, de découvrir 40 plantes sauvages pour 60 recettes aux saveurs et parfums envoûtants et surprenants. Faut-il rappeler que loin des grandes surfaces de ce monde et de l’agitation souvent stérile des villes, les herbes sauvages sont une vraie manne, toujours gratuite et disponible, et à la portée de main de tout un chacun ? Glaner : il suffit juste de s’y mettre, d’avoir un peu de patience et de chance. Comme pour les champignons, vos coins intimes à « sauvageonnes » deviendront vite année après année des lieux de rendez-vous immanquables où, chaque saison, vous aurez plaisir à revenir… Entre plaisir de l’herborisation et inventivité en cuisine, entre le dehors et le dedans, vous ne pourrez plus vous passer de ces petits moments rares et intimes avec la nature.

Stéphane Houlbert et Noémie Vialard – © Photo Mylène Satis

Du pissenlit aux coquelicots : quelques bases

Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures et il suffit de se baisser pour les apercevoir au printemps. « Nous sous-estimons trop ce que peut nous apporter la nature » résume en une phrase Stéphane Houlbert, l’ami de Noémie qui s’est chargé d’élaborer quelque 20 recettes sur les 60 de l’ouvrage. Les citadins devront un peu faire l’effort de raccrocher leurs chaussures de footing pour les troquer contre de solides chaussures de marche. Les étourdis reviendront un peu aux choses de la terre et regarderont davantage leurs pieds que les nuages. Il suffit juste de s’y mettre comme l’indique Noémie…

Une recette de saison signée par Stéphane Houlbert : le carpaccio de thon au sedum et asperges vertes, fleurs de bourrache.

« Je conseillerais de commencer en reconnaissant 5 ou 6 plantes pour débuter : au printemps, saison reine, on pourra se régaler de pissenlit entier en salade ou en fleurs en omelette et en confitures, mais aussi de pâquerettes, primevères, violettes, roquette sauvage, orties, sans oublier le plantain (voir photo d’ouverture) que l’on trouve un peu partout en abondance. Le goût de cette dernière plante a une saveur de champignon assez incroyable » assure Noémie. « J’ai créé ma première recette aux fleurs lorsque j’avais 7 ou 8 ans. J’avais fait fondre du beurre au soleil et fait une sorte de crème avec beaucoup de sucre et de beurre ramolli, dans laquelle j’avais incorporé de nombreuses fleurs de pâquerettes. J’avais ensuite fait goûté ma création à ma jeune sœur qui s’était régalée ! »

De gauche à droite : pissenlit, violette et coquelicot.

Infuser de la mélisse dans du lait et de la crème pour créer d’originales crèmes anglaises est aussi un délice à portée de main et de toutes les bourses ! Les coquelicots font aussi leur retour, leurs graines pouvant rester en dormance pendant de longues années… « On en revoit enfin beaucoup le long des chemins en terrain calcaire, comme dans le Vexin en région parisienne » témoigne Noémie. Dans les plantes d’ornement, Noémie Vialard avoue avoir une passion et un gros faible pour les hémérocalles qui fleurissent abondamment en superbes bouquets dès la fin du printemps et en début d’été. « Pour moi, c’est la meilleure fleur à manger. Je les dévore crues en salade et même farcies comme des fleurs de courgettes » reconnaît Noémie.

© Photo Noémie Vialard

On aime le nombril de Vénus !

J’avoue faire une fixette sur le « nombril de Vénus » depuis mon enfance. Je n’y peux rien, c’est ainsi. Mon père avait appris à souffler dedans par un vieux oncle, il y a bien longtemps, pour en faire un sifflet en décollant la cuticule inférieure de  la feuille grasse et verte. Il m’avait transmis l’usage de fabriquer des instruments de musique avec des légumes, passion qui m’est d’ailleurs restée. L’oseille sauvage et le pissenlit faisaient alors partie des sauvageonnes récoltées avec délicatesse et patience en famille. Selon Noémie Vialard : « Les nombrils de Vénus arrivent fin septembre et se multiplient jusqu’en avril. On peut donc en manger toute l’année ou presque. En plein hiver, c’est une vraie panacée, en salade ou en condiment, en quiche ou en soupe, avec ses feuilles juteuses légèrement amères ». Étonnamment, le nombril de Vénus entre en dormance au milieu du printemps pour ne ressortir qu’à l’automne. Il se plaît en terrain acide et sur les vieux murs en bordure de chemins. En milieu citadin, il faudra bien entendu faire attention à ne récolter que les feuilles suffisamment éloignées du sol et de toute pollution, un conseil qui vaut pour l’ensemble des récoltes de fleurs et de simples. Et pourquoi ne l’intégreriez-vous pas dans votre jardin ? Beaucoup de ces plantes sauvages supportent leur transfert en zone horticole, potager ou jardin. Une bonne occasion de faire se côtoyer manière ludique et économique les plantes cultivées et sauvages, à la surprise de tous.

Bonnes balades gourmandes !


Balades gourmandes par Noémie Vialard, éditions Delachaux et Niestlé, 160 pages. 

Parution : mars 2017

Prix : 19,90 €

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