Le fricot de Madame Tricot

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Photo © Andreas Müller Pathle, Heiden.

En ce samedi matin de septembre à la mercerie multicolore Sajou qui fleure bon le fil de laine, je découvre ébahi et assez admiratif Madame Tricot alias Dominique Kähler. Peu de monde, seulement quelques aficionados au féminin, quelques fan(e)s plongées dans leurs ouvrages. Madame Tricot – bon teint, lunettes rouges, la voix qui en impose avec un léger accent suisse, virevoltante comme une plume entre deux questions techniques, donne juste aujourd’hui un cours de tricotage pas comme les autres.

Madame-Tricot7LCAVPour reprendre une formule bien connue, disons simplement qu’ « il n’y a que les tricots de Madame Tricot qui m’aillent » ! Non pas que je n’aime pas les autres tricotages, mais il faut bien reconnaître une graine de génie surréaliste dans les œuvres hyperréalistes de cette adepte du « tricot libre », c’est-à-dire réalisé sans aucun patron ni canevas. Avec ses fruits beaux à croquer, ses poires blettes, son trophée de sanglier aux petits oignons, ses fromages variés, sa charcuterie gaiement tricotée, son poulet « label rouge », ses jambons suspendus, ses poissons rutilants, son faisan présenté façon « Grand Siècle » (voir photo ci-dessous), Madame Tricot, encore très peu connue en France, est sans doute la « foodknitter » la plus douée de sa génération.

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Photos en haut à droite et en bas à gauche : © Martin Graf, Muttenz.

Il y a trois ans, elle commence à exposer ses œuvres un peu par hasard à Winterthour près de Zurich dans une simple mercerie. Le succès ne se fait pas attendre. « J’ai été exposée en un an dans pas moins de cinq musées ! » admet, non sans fierté, Dominique Kähler. Elle dévoile régulièrement depuis ses œuvres dans une boucherie désaffectée de sa bonne ville de Wil, canton de Saint-Gall, et a même exposé ses ouvrages dans un frigidaire en début d’année dans une galerie new-yorkaise durant la « Vogue knitting Live » (voir photo d’ouverture). Une vraie consécration ! Parisienne vivant en Suisse, psychiatre surdiplômée, au double parcours en médecine et en histoire de l’art, anthroposophiste, naturopathe spécialisée dans les traitements aux sangsues (ça ne s’invente pas tout de même !), Madame Tricot a indéniablement de la ressource.

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Photo : © Andreas Müller Pathle, Heiden.

« J’adore la cuisine française et vivant en Suisse, elle me manque, alors je la tricote ! Cela me permet aussi de me détendre et de meubler les longues soirées d’hiver. La grande difficulté est le choix des matières et de modéliser en trois dimensions. Je tire mon inspiration de coupures de presse, d’images de magazines, d’ouvrages anciens comme les magnifiques planches en couleurs de Jules Gouffé (NDLR : célèbre cuisinier du XIXe siècle et auteur d’un des premiers livres de recettes illustrées en couleurs). À la maison, c’est surtout mon mari qui cuisine… ».

On reconnaissait déjà ici l’humour suisse de Guillaume Long, restait donc à découvrir celui, tout spécifique, de Madame Tricot !

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