Gastronomie lyonnaise, une histoire singulière

 

« À Lyon, on ne se connaît pas tant qu’on a pas mangé ensemble »

Voilà un ouvrage qui fera date, véritable mine de renseignements pour tous les amoureux de la ville des Gueules comme moi. Saluons ici le travail passionné et passionnant d’Yves Rouèche pour son (ses) « Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise » parue(s) aux éditions lyonnaises Libel. Enfin, ici une maison non parisienne qui se respecte. Une maison lyonnaise qui parle de gastronomie lyonnaise, pour les Lyonnais et aussi les autres du nord de la Loire. Pour nous donc. Nous n’avons jamais autant aimé les maisons d’éditions courageuses et pour cause. 

Lyon ou Paris ?

Snobs les Lyonnais ?« Ben oui, mais pas autant que les Parisiens » disent certains Lyonnais. Entre Lyon et Paris, ça a toujours été un peu la guerre et on comprend pourquoi. Lyon, ancienne capitale des Gaules, Lyon l’Italienne et Paris la Nordique, avec Henri IV tellement inféodé aux soyeux de Lyon qu’il créa à Paris une place royale totalement oubliée pour eux : la place Dauphine entre les deux rives, qui le sait ? Deux mondes gastronomiques que tout oppose, codes et usages. Et vieilles rivalités. Deux civilisations en somme. Quand un Parisien vient à Lyon, il est toujours mal accueilli car les Lyonnais vivent entre eux comme les Parisiens, voire un peu en pire ou en mieux. On vous fermera la porte simplement avec votre accent et vos habitudes. Les Lyonnais ne parlent jamais de cuisine, car ils la vivent tous les jours contrairement aux Parisiens d’après Yves Rouèche, mais est-ce si vrai ? Les Lyonnais savent-ils encore comme les Parisiens ce que manger veut-dire ? N’est-ce pas encore du folklore de bon aloi ? Et pourtant. Sur les 40 marchés de la ville dont les célèbres marchés de la Croix-Rousse et Saint-Antoine s’étalent chaque mercredi, vendredi samedi et dimanche les marchandises les plus variées en provenance des riches régions voisines de la Bresse, Beaujolais et Côtes du Rhône. Une manne qui échappe aux Parisiens cette fois. Car Lyon, n’a peut-être jamais été aussi gourmande… Et c’est un amoureux transis de Lyon qui vous le dit !

Enseigne de la Mère Brazier rue Royale.

Curnonsky alias Maruice Edmond Sailland par Georges Villa

Quand Curnonsky lance Lyon

La gastronomie lyonnaise s’est pas faite en un jour comme l’explique très bien Yves Rouèche. Le vrai départ de la cuisine lyonnaise et de sa réputation peut être fixé avec précision. En 1925, dans La France gastronomique, Curnonsky et Rouff proclament dans leur préface « Lyon, capitale gastronomique du monde » ! Curnonsky réitère cette phrase en 1934. Cette petite phrase aura beaucoup de répercutions sur la renommée de la table lyonnaise. Signe des temps, en 1933, la Mère Brazier est la première femme étoilée présente dans le guide Michelin, avec deux fois trois étoiles pour chacun de ses deux établissements, soit 6 étoiles, une pionnière seulement doublée aujourd’hui par Anne-Sophie Pic qui totalise pas moins de 7 macarons au guide rouge.

Eugénie Brazier


« La Mère Fillioux, célèbre comme le maréchal Foch, comme Anatole France, comme Kipling, comme Charlot, comme Mistinguett… »

Curnonsky

Le succès des Mères lyonnaises

Saviez-vous que les fameuses Mères de Lyon étaient d’anciennes cuisinières de grandes familles bourgeoises de soyeux, contraintes de se reconvertir comme restauratrices pour survivre, après les crises économiques de la fin du XIXe siècle et de 1929 ? Connaissez-vous la Mère Guy, la première, dont l’établissement a fermé en 1995 et a été détruit depuis, la Mère Fillioux, « célèbre comme le maréchal Foch, comme Anatole France, comme Kipling, comme Charlot, comme Mistinguett… » (dixit Curnonsky) pour sa poularde en demi-deuil, recette reprise ensuite par la non moins fameuse et élève Eugénie Brazier, Paul Bocuse et aujourd’hui Mathieu Viannay depuis sa reprise du mythique restaurant de la rue Royale en 2008 ? Après les années 1970, le déclin du « matriarcat » de la grande cuisine lyonnaise marque le grand retour des hommes aux fourneaux… dont Paul Bocuse qu’on ne présente plus ici. En 2016, les Trophées de la gastronomie reconnaissent encore 9 « Mères »lyonnaises dont Colette Sibilia de la charcuterie Sibilia aux halles de Lyon-Paul Bocuse (voir photo ci-dessous prise en 2012). 

Voici pour les retardataires des achats de Noël une bien chouette idée de cadeau gourmand et culturel. 

Colette Sibilia, une des dernières Mères lyonnaises. 

Yves Rouèche, Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise, éditions Libel, Lyon, 264 pages.

Parution : novembre 2018

Prix : 35 €

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