Elmer : un nouvel air, une nouvelle ère

Photo ©Alban Couturier

Nous avions hâte de goûter la cuisine de chez Elmer et de connaître cette adresse bien courue de la capitale depuis un peu plus d’un an. Et ce, d’autant plus que son chef, Simon Horwitz, élu récemment jeune talent de l’année par le guide Gault & Millau, aime apparemment les mêmes adresses que nous : Gare au gorille de Marc Cordonnier, Le Servan des sœurs Levha ou encore The Kitchen Galerie de William Ledeuil.

Photo ©Alban Couturier

À 32 ans, le chef n’en est pas à ses débuts. Après avoir fréquenté les belles maisons de Jacques Chibois* et de l’Oustau de Baumanière**, il travaille un temps avec Pierre Gagnaire, avant de rallier en 2011 son vieux copain de promo Bertrand Grébaut pour l’ouverture de Septime. Le voilà ensuite courir le monde : Malaisie, Thaïlande, Cambodge, Chine, Japon, Australie, puis l’Amérique du Sud, Brésil, Bolivie, Mexique et Pérou où il découvre des savoir-faire et de nouveaux produits. C’est en décembre 2015 que Simon Horwitz décide d’emménager son premier restaurant perso dans le quartier qui aurait dû s’appeler « La Jeune Rue », un projet gastro-pharaonique mort-né la même année mêlant bonnes adresses de restaurants et de producteurs, à deux pas de la populaire place de la République. Alors que la rue du Vert-Bois voisine n’est plus que l’ombre d’elle-même (à l’exception du très snob et étonnant Ami Louis), celle de Notre-Dame de Nazareth se repeuple et se (re)fait une personnalité entre adresses branchées et galeries d’art. On ne se croit pas trop dans le 3e qui tarde à évoluer, mais plutôt entre le 10e et le 11e.

Une auberge bien parisienne

C’est en poussant la porte de l’enseigne que la magie d’Elmer joue pleinement. L’ambiance feutrée très « cocooning » est signée de la jeune designer Aude Gros Rosanvallon. L’endroit est unique à Paris et a été mûri avec soin. Simon l’a semble-t-il bien compris. Les Septimiens, Passardiens et autres néo-bistrots à la mode soignent leur atmosphère et jouent à fond la carte de la convivialité. On retrouve donc ici les mêmes formules qui marchent avec peut-être un peu plus de risques qu’ailleurs. L’alliance de la bonne formule de la carte, des produits rassurants voire surprenants, de la déco reposant largement sur de généreuses tablées de bois brut type tables d’hôte, du chaleureux et très agréable service toujours souriant et décontracté font le reste, c’est-à-dire beaucoup. Rien à redire là-dessus. Autre singularité chez Elmer : ce soir-là, sur 5 plats à l’affiche, 3 sont à partager à deux, ce qui donne le ton de la convivialité de l’assiette. La garniture est servie sur chaque assiette, tandis que la viande ou le poisson est placé sur une grande assiette, offerte aux coups de fourchettes des deux convives. Une formule intéressante, même s’il faut aimer déguster la même chose que son voisin ou sa voisine. Voilà en tous cas un coup de maître pour tous les amoureux en communion !

L’art du rôtisseur

Le Mulet noir cru mariné / cerfeuil tubéreux / bergamote débute de manière très « light » le repas. Le poisson est rapidement mis à mariner avec de la sauce soja et du citron vert, relevé très adroitement par de la pâte de bergamote, des pickles d’oignon rouge et agrémenté de copeaux de cerfeuil tubéreux et de quelques feuilles de lierre terrestre.  La Seiche / purée d’ortie / mâche / poire de terre descend tout seul. Ramenée d’Amérique du Sud dans les valises du chef, la poire de terre a un parfum assez original entre la pomme de terre et le topinambour.

Véritable plat-signature, la Canette de Challans / betterave blanche au café / chou fleur est d’une cuisson sublime. C’est tout l’art de Simon Horwitz, tout comme Bruno Verjus de Table, d’avoir su remettre à l’honneur le métier un peu oublié du rôtisseur. Depuis quelques temps dans les cuisines ouvertes, les rôtissoires et les grills au feu de bois rappelant l’âtre ancestral ont repris leur ancienne place. Jusqu’au début du XXe siècle, la maîtrise du feu signalait le niveau de compétence d’un cuisinier, une réalité régulièrement rappelée par Alain Passard qui parle souvent de l’art du feu de sa grand-mère Louise. Bien avant lui, Brillat-Savarin disait à ce sujet que l’« on devient cuisinier, mais l’on naît rôtisseur ». De la salle, on peut ainsi suivre le travail du cuisinier faisant rôtir ces si belles volailles de Vendée mises à la mode il y a plus d’un siècle à la Tour d’Argent, ou de belles pièces d’agneau de lait des Pyrénées…

Photo ©Alban Couturier

Le Crémeux au citron / pommes / grenade / brocciu du dessert, décoré de quelques feuilles de pissenlit, est un peu léger, même s’il en impose visuellement. L’accord des ingrédients est un peu forcé et nous aurions sans doute aimé finir sur une note un peu plus gourmande après ce très beau voyage, car oui, Elmer – youpla boum – sait faire voyager les papilles et l’imagination du gastronome !


Elmer

30, rue Notre-Dame de Nazareth

75003 Paris Tél. : (33) 1 43 56 22 95

Ouvert midi et soir du mardi au vendredi et le samedi de 19h30 à 22h30 (dernier service). Formule déjeuner à 24 et 28 €. Le soir, service à la carte autour de 50 €. Réservation conseillée.

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