Jacques Genin, le fondeur de chocolat : Pâques, mais pas que

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« On dit souvent que je suis un rebelle. C’est vrai, car je ne peux pas accepter qu’on vous enlève ce petit morceau à vous qui s’appelle le rêve ».

L’œil bleu pâle vif et espiègle perdu un peu dans le lointain, la poignée de main large et franche, planté fermement sur ses deux pieds dans son laboratoire pendant que ses associés empaquettent, sans empressement, les dernières friandises avant le grand rush du week-end, ce grand monsieur « fondeur de chocolat », comme il est inscrit sous son nom sur sa veste blanche, m’accueille à l’improviste dans son laboratoire en ce jeudi 24 mars. Cette rencontre pascale vaut tous les détours. Il y a de la magie là-dedans et surtout une dose d’humanité et de bon goût qui explosent toutes les règles du marketing, tous les principes de la normalité du moment. Jacques Genin vit, parle et respire comme il est. L’inventeur du chocolat aux câpres, des pâtes de fruits aux légumes, des tartes au citron à se damner, quitte à faire le voyage du Japon, est là. Le cuisinier, pâtissier, chocolatier, confiseur autodidacte a plus d’un tour dans sa besace. Intègre, sensible, disponible, un brin malicieux, toujours rempli de bons souvenirs, d’anecdotes sucrées et de constats parfois salés… Né en 1959 à Saint-Dié-des-Vosges, Jacques Genin est considéré comme un des maîtres chocolatiers les plus brillants de sa génération. Des plus modestes aussi.

« Je n’étais pas destiné à tout ça. Tout gamin, je voulais faire de la danse et du théâtre ».

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« Vous ne choisissez pas où vous naissez, par contre vous choisissez vos amis. Si vous vous trompez, vous ne pouvez vous en vouloir qu’à vous ! À 13 ans, j’ai dû travailler dur dans des abattoirs vosgiens. C’était un monde de sauvages… et à côté de ça, j’ai rencontré des personnages fantastiques ».

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Peintre en chocolats

La couleur, il connaît. Il la travaille depuis les années 1980 quand il était cuisinier. Devenu pâtissier et chocolatier, il trouve dommage qu’à Pâques tout soit un peu triste. Il y a trois ans, il débute une collaboration fructueuse pour ses sujets de Pâques avec l’artiste-peintre Corinne Jam.

« Pâques, c’est la renaissance, la joie… et on vous sert du noir, du blanc ou du brun…. Enfin ! C’est dommage de ne pas mettre un peu de couleurs ! Cela a été un peu ma signature dès le début de l’ouverture de ma pâtisserie-chocolaterie que de peindre mes chocolats. Les couleurs sont obtenues à partir de pigments de fleurs mélangés à du beurre de cacao. Ce ne sont pas que des collections. On est dans du produit frais et nous sommes parmi les derniers à travailler à la dernière minute nos sujets pour une qualité maximum. Je n’ai surtout pas envie que le chocolat soit dénaturé. J’ai une quarantaine de salariés qui compte sur moi toute l’année. Pâques et Noël sont des moments assez aléatoires. Pâques pour moi, c’est plus une vitrine qu’autre chose. Cela nous permet de montrer une certaine technicité et de montrer notre évolution tous les ans. C’est l’occasion de faire voir ainsi ce que l’on a appris sur l’année écoulée. C’est une telle main d’œuvre et un tel travail que l’on ne peut pas parler de rentabilité ».

 

Merci Madame de Médicis !

Patrick Roger, Jean-Paul Hévin, Sébastien Bouillet à Lyon ou Fabrice Gillotte à Dijon sont ses chocolatiers de prédilection. Et puis, il y a tous ceux dont on ne parle pas assez… Selon Jacques Genin, la France est vraiment la patrie de la gastronomie sucrée et il n’y a qu’en France que l’art des pâtissiers et des chocolatiers a pu se développer. Pourtant, toutes les bases nous viennent d’Italie…

« On peut dire merci à Marie de Médicis ! Je pense que la France a su pendant des siècles en faire un art de vivre et un savoir-faire qu’elle a su transmettre. Ce que je pourrais lui reprocher (ndlr : à la France), c’est qu’elle n’a peut-être pas su ou voulu le partager avec l’étranger. Ce n’est que depuis une trentaine d’années qu’elle a ouvert ce savoir-faire au reste du monde. Aujourd’hui, certains d’entre nous ont tendance à dévier un peu trop et à oublier leurs bases. C’est bien d’avoir une touche asiatique, mais on ne doit pas la retrouver partout ».

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Parmi ses chefs favoris, il y a le gouailleur fidèle gascon Yves Camdeborde qu’il a connu à La Régalade. « C’est un homme de cœur que j’aime profondément, tout comme Alain Passard. Tous les deux sont restés fidèles à leurs idées et d’une grande générosité. J’apprécie aussi beaucoup Daï Shinozuka qui a su profiter de son expérience chez Camdeborde et apporter son propre univers culinaire très équilibré ».

« Je l’ai choisie ma barque et j’irai jusqu’au bout ».

Pas de franchise en toute franchise

Si Jacques Genin a décidé d’arrêter la pâtisserie en boutique depuis janvier 2013 suite à des problèmes de santé, le Vosgien a encore de la ressource et n’est pas prêt de raccrocher le tablier, encore moins à franchiser ses boutiques comme de nombreux chefs pâtissiers ou chocolatiers connus du moment.

« J’ai des personnes qui m’accompagnent et qui me font confiance. Demain si je franchisais, je ne pourrais plus travailler mes matières premières. Pour mon nougat, je pourrais dire adieu à mes pistaches verte de Bronte à 62 euros le kilogramme… J’ai envie que l’on connaisse les vrais produits. Ma pâte d’amandes à 78 % d’amandes, la seule sur le marché, elle, elle me ravie ! Cela me fait plaisir et je ne compte ni mon temps, ni mon argent. On ne travaille pas dans la gourmandise pour rien… Je l’ai choisie ma barque et j’irai jusqu’au bout. Mon but est de transmettre et j’espère que Sophie (ndlr : Sophie Vidal, son fidèle aide de camp depuis treize ans – voir photo ci-dessus), la seule chocolatière en France, reprendra le flambeau. À recommencer, je recommencerai tout pareil. C’est un métier qui m’a fait connaître les plus beaux endroits, goûté les meilleurs mets et vins, rencontré les plus charmantes personnes de la terre…. Le monde s’est ouvert à moi et il m’a beaucoup donné. Je n’ai pas envie d’autre chose ».

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Jacques Genin

Rive droite

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75003 Paris

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